Description
Dans La question du centre, « Il n’y a pas de plan prétabli / Il n’y a pas de lieu ni de temps / Il n’y a pas non plus de personnages ». Il y a, scandées par différents bruits (mitraillettes, gouttes d’eau, mugissement d’une vache, braiement d’un âne, cri de jouissance d’un homme, rythme d’un métronome, éclatement d’un pneu, coups de fusil), des bribes de vies ordinaires perçues en instantané par une personne, celle dont la voix s’étire en un monologue. Des bruits du monde extérieur qui viennent interrompre le fil d’une rumination intérieure portée sur le dehors comme sur l’intime – une rumination plus ou moins triviale, plus ou moins sérieuse, où tout s’entremêle, qui relève autant de l’autobiographie, de la notation, de faits divers, que de dialogues suspendus. « Nous ne sommes pas dans une histoire qu’un plan pourrait consigner », « nous sommes après que cette histoire ait eu lieu », dans un récit « autopsique » en quelque sorte.
Comme un état des lieux d’un quotidien banal, sans bords, sans limitations, sans repères, sans points d’attache, mais sous-tendu par la question du centre : y a‑t-il un centre (et donc une périphérie), quel centre, de quel point de vue, pour qui ? Question qui croise ainsi celle de la place assignée aux êtres, aux choses, aux événements… qui croise celle de l’aliénation, des frontières, de la sexualité, de la position sociale…, du Sujet, très largement.
Notes de lecture
« Stéphanie Chaillou […] s’inscrit dans le vain ordinaire pour construire en son axe, avec l’écriture, l’incertitude de la langue. […] Approche barthésienne, qui donne à la question un pouvoir démiurgique. Qui est bourreau, qui est victime ? de la violence, de la mort brutale des êtres. L’écriture sait qui porte, insoluble mais certaine, la question en son centre. »
Christian Vogels, CCP – Cahier critique de poésie, mars 2012