Fantasqueries

Auteur
Jean-Pascal Dubost
Poésie
104 pages, 14 x 20 cm
Parution : novembre 2016

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 17,00

UGS : 978-2-917751-76-3 Catégorie :

Description

C’est avec beau­coup d’humour que Jean-​Pascal Dubost entame ses Fantas­que­ries en les dési­gnant comme un « livre raté », preuves à l’appui, tempé­rant son auto­cri­tique en ajou­tant que c’est aussi un « petit désastre jubi­la­toire », « hirsute »… Humour et jubi­la­tion. Maîtres-​mots de l’histoire, qui seraient pour­tant réduc­teurs si l’on ne rajou­tait une immense culture litté­raire… et ce n’est pas tout.
Entre prologue (en quoi le livre est raté) et épilogue (limi­naire du livre non raté…), Fantas­que­ries offre douze textes dont le premier et le dernier, « Poésie-​Ho » et « Poésie-​Ha » forment aussi une boucle, l’un fait unique­ment d’expressions toutes faites affir­mant que la poésie « est une autre paire de manches qui oblige à mettre la main à la pâte », l’autre en alignant des défi­ni­tions, qu’il faudrait toutes reprendre pour tenter de circons­crire ce qu’est l’art de Jean-​Pascal Dubost, mais que l’on pour­rait résu­mer par : « une outrance de langue et de langage », « de la débauche d’énergie », « une arme de combat » « inac­tuelle » qui « a tous les droits » et « nuit grave­ment à la bêtise ».
Tous ces poèmes (« blocs » pour la majo­rité, hormis deux en vers libres, du moins non justi­fiés) – autant de fantai­sies, caprices, baro­quismes, pour reprendre les mots de l’auteur – sont assem­blés, cousus entre eux par de courtes phrases inter­mé­diaires qui permettent au lecteur de reprendre son souffle, tout en reve­nant sur le précé­dent et annon­çant le suivant – encore que leur succes­sion en elle-​même soit loin d’être gratuite, tant l’un semble appe­ler l’autre.
Chacune de ces fantai­sies corres­pond à une figure de style, à tout le moins un exer­cice de style – hapax, euphé­mismes, entre­tis­sage, mots-​outils… : « Bleiz le loup », auto-​hagiographie entiè­re­ment écrite en ancien fran­çais ; « Sempi­ter­nel recom­men­ce­ment du monde », cut-​up réus­sis­sant la prouesse d’obtenir un ton presque lyrique de l’emploi de termes essen­tiel­le­ment banals ; « Exer­cice lyrique », « désau­to­bio­gra­phie » avec pour­tant un gros je en 50 entrées… ; « Twingo », « ekphra­sis extra­va­gante » d’une voiture haus­sée au rang de « petit chef-​dœuvre d’art auto­mo­bile », expo­si­tion perma­nente, itiné­rante et parti­ci­pa­tive, rien que ça…). Nous ne pouvons toutes les citer, mais nous fini­rons avec « Courage, créons », mélo­pée « en lita­nique dans le texte » pour insis­ter sur la dimen­sion poli­tique de la poésie de Jean-​Pascal Dubost dans sa force subver­sive, qui appuie ses quali­tés essen­tiel­le­ment jubi­la­toires – en lui lais­sant (son) dernier mot : « Ha. » (encore un mot qui « affole le correc­teur d’orthographe word » !).

Notes de lecture

« Jean-​Pascal Dubost compose ses “fans­tas­que­ries” contre l’esprit de sérieux qui anime trop souvent la poésie. […] Du vent et du souffle, il y en a beau­coup dans ce livre qui, quoiqu’il ne soit pas très épais, a quelque chose de mons­trueux, au sens où la langue dans son bour­souf­flé même révèle la part de vide et de vent qui habite chacun. […]
C’est avec une science jubi­la­toire, fort d’un haut sçavoir, qu’il prélève allè­gre­ment dans les diffé­rents niveaux et couches histo­riques de la langue, voguant sans vergogne d’archaïsmes en emprunts à la novlangue ou à la langue de bois tech­no­cra­tique, procé­dant par réem­plois de mots de l’ancien fran­çais et par cut-​up de propos jour­na­lis­tiques forma­tés. Ce mélange mons­trueux des registres lui donne l’occasion d’une belle et drola­tique “chevau­chée fatra­sique” où rien ne tient plus qu’essoufflé, hors d’haleine, son écri­ture farcie et farcesque four­millant d’intertextualité et de réfé­rences les plus diverses. Il fait appel […] à tous les mots gelés qu’il s’agit de réchauf­fer à l’étuvée dans la promis­cuité exci­tée du poème afin de les faire suer, de leur faire rendre leur eau. Il s’agit “d’entrer sauva­ge­ment dans la culture” pour détour­ner la langue de son usage normé, normalisé. »
Laurent Albar­ra­cin, Poezi­bao, 21 décembre 2016

« Il faut un goût certain pour la provo­ca­tion, et autant de mauvaise foi que d’humour, pour affir­mer d’entrée : “fantas­que­ries est consi­déré par son auteur comme un livre raté.” Jean-​Pascal Dubost s’en explique dans deux textes, au début et à la fin de l’ouvrage : ce livre n’est pas réussi puisqu’il ne corres­pond pas au cahier des charges prévu. “Tous les poèmes eussent dû être d’une très longue souf­flée, point n’est le cas”, et accom­pa­gnés d’annotations diverses pour la lecture publique, qui sont absentes. […] On a souvent relevé l’aspect savant, lettré de l’écriture de Jean-​Pascal Dubost, et c’est vrai qu’il y a chez lui un désir de mettre le langage dans tous ses états, dans une sorte de débauche joueuse et jubi­la­toire, aussi bien histo­ri­que­ment que dans l’épaisseur, le feuille­tage multiple et actuel de la langue. Ce livre ne fait pas excep­tion sur ce point. Mais ne voir que cet aspect serait passer sous silence la présence aussi forte d’un héri­tage “beat” (Gins­berg ou Kerouac par exemple), présence nette­ment marquée par l’importance donnée au souffle, “consi­déré comme pensée vivante de l’écriture en mouve­ment autant qu’élément d’écriture, de diction et de tension narra­tive conti­nue”. “La forme souffle-​phrase-​bloc mime du vif” ; le “spiro­poème” “fera entendre une capa­cité à respi­rer le monde”. […] Les poèmes qui composent ce livre, une douzaine, sont des proses longues, parfois séquen­cées, parfois d’un seul tenant ; mais chacun est forte­ment verté­bré par un “prin­cipe prédé­ter­miné”, souvent un lanceur-​thème ou groupe de mots qui se déve­loppe ensuite par reprises selon un art consommé de l’arabesque, de la varia­tion, de la volute, avec un goût autant marqué pour l’enchaînement et l’accumulation que pour le coq-à‑l’âne et le court-​circuit. À la fin de chaque poème, une page conclut avec deux ou trois frag­ments qui donnent de façon écla­tée un art poétique mais sur un ton alter­nant le sérieux et l’humour. Diffi­cile de tailler pour le citer dans la texture serrée, “souf­flée”, du poème de Dubost ; il faudra que le lecteur aille lire. Mais on aura compris que ce livre, sous son titre léger, mérite le détour et le retour tant cette poésie s’affirme inven­tive et vivante “dans sa quasi fantai­sie discor­dante”. “Ça ne ressemble à rien, ça me ressemble.” Belle et fière devise pour un poète, non ? »
Antoine Emaz, Décharge, n° 173, mars 2017

« On peut réser­ver son voyage et s’installer tran­quille­ment dans le train de l’écriture en sachant où l’on va et à quelle heure on arrive, avec pour seul risque un retard en mots. Jean-​Pascal Dubost n’est pas de ceux-​là. Ce qu’il aime, c’est la forêt inex­tri­cable de la langue, là où l’on peut encore se perdre ou trébu­cher sur une racine, dans tous les sens du mot “racine”, où l’on peut se déchi­rer la pensée à quelques ronces, voire se la mettre en lambeaux. Son dernier livre, Fantas­que­ries, publié aux éditions isabelle sauvage, nous entraîne dans ce qu’il appelle lui-​même “un petit désastre jubi­la­toire” où prévaut l’oral, avec tous les écarts qu’il permet, sur l’écrit. Sa poésie est celle d’un loup dans la berge­rie du langage.
[…] en s’iden­ti­fiant symbo­li­que­ment à Bleiz, Jean-​Pascal Dubost devient le narra­teur de cette parole sauvage — de ce Merlin —, que chacun porte en lui et qui ne nous appar­tient pas, qui nous traverse en meute, furti­ve­ment et à vive allure.
Il compte sur le rien, le “personne”, pour porter toutes “les fictions du monde”, comme Pessoa en portait tous les rêves. Tout alors devient possible dans la langue et l’auteur ne s’en prive pas. Qu’il nous livre son auto­bio­gra­phie, qu’il critique sur un mode déri­soire les infor­ma­tions dont nous accablent les médias, qu’il aille faire ses courses, qu’il évoque dans ce qu’il appelle un “entre­tis­sage” le livre de Valère Nova­rina, Le Vrai Sang, il y a toujours ce fil narra­toire — du poil de loup gris — qui passe d’un texte à l’autre et qui les coud à l’hirsute. »
Alain Rous­sel, « Jean-​Pascal Dubost : un loup dans la berge­rie de la langue », Alain​rous​sel​.blog​spot​.fr, 10 avril 2017

« Pour mieux comprendre ces Fantas­que­ries, il faut citer Raoul Haus­mann – comme le fait l’auteur en début d’ouvrage – : Elle montre les reflets de la vie chan­geante, incer­taine, mons­trueuse, outran­cière. Le mons­trueux et l’impensable, c’est cela la poésie !
Avant d’entamer la lecture, Jean-​Pascal Dubost nous prévient dans un “Avis” que son ouvrage est un livre raté. Tout comme le Au lecteur de Charles Baude­laire, cet avis présente et ouvre ce recueil. Il donne une défi­ni­tion de la poésie qui est une autre paire de manches qui oblige à mettre la main à la pâte et explique l’importance de lire ces poèmes à haute voix. Lire à haute voix les spiro­poèmes, c’est physi­quer l’écriture par l’essoufflement. Puis, il termine par un : Lecteur, phra­sez à haute voix.
Même si l’auteur affirme que son livre est raté, il réus­sit à en faire “une boucle” ; le lecteur part d’un point précis pour, une fois la lecture ache­vée, y reve­nir. Deux façons d’y arri­ver. Par le prologue qui explique en quoi le livre est un petit désastre jubi­la­toire et qui s’achève sur l’épilogue ce qui était prévu. À l’intérieur on trouve douze poèmes. Le premier Poésie-​ho en passant par Sempi­ter­nel recom­men­ce­ment du monde, Ridi­cu­li­tés précieuses et enfin Poésie-​ha. La boucle est ainsi bouclée. »
Alexandre Ponsart, CCP – Cahier critique de poésie, # 34 – 1, 12 mai 2017

« Parmi les poètes de ce temps, il est des rares qui se tiennent avec autant de pres­tance au crucial carre­four des langues à l’intérieur de la langue, il expé­ri­mente, sans jamais s’abandonner pour rien à la forme ; la poésie est véhi­cule avant tout, non pas desti­na­tion, Jean-​Pascal Dubost ne saurait l’oublier.
Il puise aussi bien dans le parlé ancien que dans les modes exotiques ou les arran­ge­ments récents, il reprend et recon­forme des tour­nures amné­siées, il scinde, néolo­gise, scande, rythme, met en bouche avec un sourire qui parfois grince, mais vrai­ment sans se foutre du monde (d’autres s’en chargent par ailleurs). Grand avaleur de sons et de sens, Jean-​Pascal Dubost nous redonne dans son écri­ture des reflets d’aujourd’hui, ni enfermé ni décon­necté ; homme du recueille­ment, c’est aussi bien un poète dans la cité, exem­plaire d’efficacité, d’implication. […]
Avec Fantas­que­ries, que l’auteur nous annonce d’emblée comme un livre raté, il s’agit cette fois aussi, c’est le cas au moins depuis plusieurs livres, je crois, d’un assem­blage de textes, de frag­ments, de tenta­tives, et non pas d’un habi­tuel recueil de poèmes où s’enchaîneraient des blocs égaux ou pas, selon un ordre calculé. Cet aspect chan­tier donne une viva­cité au livre, on y est toujours dans un deve­nir, dans une poten­tia­lité, une fois de plus l’écriture de Jean-​Pascal Dubost forti­fie et entraîne avec elle. Elle est un dire autant qu’une forme. »
Jean-​Claude Leroy, « En première ligne, Jean-​Pascal Dubost, poète
“épis­té­mo­phi­lique” ! », Blogs. Media­part, 22 juillet 2017

« Un petit recueil d’une dizaine de “poèmes en bloc” dont chacun est fait pour être souf­flé à haute voix selon la méthode “spiro­mé­trique” expli­ci­tée en avant et amont, re-​prenant/​-​donnant souffle au suivant. Tirades logho-​rythmiques tout en figures de style, néolo­gismes, jeux de mots, détour­ne­ments, cut-​up, cita­tions, dictons et expres­sions popu­laires assem­blés à grand contre-​/​ren-​fort de tour­nures anciennes, antiques et médié­vales et colo­rés d’un(e) verb(/v)e aux accents celtiques et rabelaisiens.
Edits et dits écrits hyper­tex­tuels, mani­festes fantas(ti)ques et foutraques – “prin­cipe de l’ins­tan­tané cumu­la­tif” – autour desquels rodent des frag­ments plus petits à la manière de margi­na­lia, qui tiennent de l’af­fable et de la fable, de l’af­famé loup tapi qui surgit, surjoue, se joue de tout, de nous, de lui-​même avant tout.
Loin de l’es­prit resserré de sérieux, lucide et ludique, sincère jusqu’à l’in­time, marqué par une volonté “auto­té­lique” – “Je suis un orage indi­vi­duel, une tempête learienne” – poétique – “le rythme sauve de la pensée pauvre, est pensée filante, le lais­ser se bâtir seul et en même temps tenir la trame des fils blancs” – et poli­tique – “car chaque jour est une conster­na­tion sans aucun mot de passe” – Jean-​Pascal Dubost, auteur d’une ving­taine d’ou­vrages et notam­ment à l’ori­gine et au cœur de l’as­so­cia­tion Dixit Poétic et du festi­val Et Dire Et Ouïs­sance – déroule ici thèmes et anthèmes avec “folle somme de lire, lyri­que­ment monstre” (au sein de laquelle Leopoldo María Panero ou encore Valère Nova­rina) en une manière d’“entretissage” qui se déploie dans et arpente maintes et maintes direc­tion et dimen­sions pour former la matière d’une poli-​anthologie, d’un flori­lège qui éclot sur la feuille noir­cie et pétille sous une langue fleurie. »
Éric Darsan, Poezi­bao, 1er décembre 2017

« C’est un poète qui vit le mot chaud dans sa forêt musi­cale. Une forêt au milieu du monde dont il ne fait pas oubli / à qui voudra comprendre”. Les mots chez Jean-​Pascal Dubost tombent se redressent s’alignent se répondent désor­donnent jouent sourient s’assombrissent croient provoquent et surtout fantasquent. Lui avec eux. “je suis toujours déjà quelqu’un d’autre aussi­tôt que je m’annonce ; le capta­tif de toutes les paroles de votre bas monde ; mais cy prend fin ce poème-​monologué dans lequel je compte vous avoir égaré dans les sinuo­si­tés circu­laires de ma complexité non légen­daire pour­tant multi­sé­cu­laire, car, si comme moi jel vous dis, en ce joyeux temps du jour d’uy, Merlin, c’est moi ; Bleiz c’est moi ; Jean-​Pascal Dubost, c’est moi –
Un “livre raté” annonce l’auteur en prologue qui nuance aussi­tôt la compo­si­tion de ces douze textes réunis comme étant “un petit désastre jubi­la­toire” nommé Fantas­que­ries. De l’humour qui s’installe dans la densité, avec des blocs de texte liés par le fil à couture de courtes phrases respi­ra­toires. Poète mais aussi être au monde, Jean-​Pascal Dubost bous­cule les mots comme s’il voulait se proté­ger du mal qu’ils pour­raient lui faire […]. »
Benoit Colboc, « Un petit désastre jubi­la­toire », lundiou­mardi, 20 octobre 2020