Présentation
La poésie a affaire (à faire) avec la langue. C’est entendu… Gilles Plazy, grâce à ses petites notations, s’essaye à poursuivre au-delà. Ce qui est sûr c’est que la poésie échappe aux règles du discours — surtout celui de la « mélasse médiatique » — et au jeu social du sens. Elle serait « l’autre de la prose » et se situerait « aux limites de la langue » : entre éruption et brisure, elle « déroute la signifiance », « au risque de l’incompréhension » mais au profit d’un « délire » qui — paradoxalement — se fait « ensemble », qui engendre quelque chose comme une « communauté ».
En son nom, que de fausses pistes n’ont-elles pas été suivies ! Ainsi la poésie ne peut servir à l’affirmation d’un quelconque « moi identitaire » ; ni ne veut que l’ego du poète prenne poids ; elle n’a pas non plus comme dessein de faire « œuvre » — « cette folle obsession » d’une totalité absolue ; et enfin, la fabrication « des chimères » ne peut tenir lieu au poète d’art poétique. La poésie est d’abord expérience, une « saisie de l’abîme » pour mieux s’éloigner — dans un beau retournement — du « néant », trop parsemé de « raison raisonnante », trop étouffé de « logique restrictive ».
En fait la poésie est cet espace du « questionnement sans fin de l’homme sur lui-même et sur son rapport au monde ». Ce qui ne va pas sans une part de nostalgie, selon Gilles Plazy, car la poésie ouvre à la mémoire « d’une langue jadis porteuse de l’appartenance de l’homme à la nature » et qu’elle s’engage « dans l’effort de restaurer une langue qui vraiment parle encore ».
Notes de lecture
« Les mots vivent dans le livre, courent sur les pages, animent l’inerte, cristallisent le sens. Gilles Plazy leur fait signe, et nous fait signe, en choisissant d’interroger leur valeur, leur matière, leur apparition et leur don de réalité. […] Les mots s’approprient le dire, tressent la parole, réaniment la langue. Ils esquissent la qualité en ne perdant jamais le contact avec l’émotion. […] Souplesse et grâce, donc, d’une parole poétique qui assume l’ombre du doute, fréquente le mystère, se nourrissant d’une énigme que les mots ressuscitent lorsqu’ils habillent la voix de l’écrit. »
Anne Malaprade, Poezibao, 21 mai 2014