Description
Françoise Louise Demorgny, comme dans Rouilles et Un écart, ses précédents livres, retrouve les Ardennes, ce pays d’enfance qui la « tourmente fidèlement » et ses « voix urgentes » qui « montent des marges de l’oubli ». Se dessine peu à peu la figure de la mystérieuse tante Pierrette, placée chez les Filles du Cœur miséricordieux de Marie où naîtra Roland, l’enfant illégitime.
Si les pointillés du titre sont bien sûr ceux de la frontière entre la France et la Belgique, figure centrale du récit, « lieu de tous les possibles », ils sont également ces lignes entières que Rimbaud sème sur ses manuscrits et qui restituent « un geste, un élan, une rage » et disent « des choses entre les lignes ».
Une suite émouvante de courts textes formant récit, chaque fois précédés des mots des poètes pour tresser une guirlande à toutes ces ombres, iriser leurs pauvres histoires. Comme dans ce jeu d’enfant où une fois tracée une ligne le long des pointillés apparaît un dessin. Ici, un portrait en creux destiné à réunir enfin Pierrette et Roland dans son « exil ».
Notes de lecture
« Les Ardennes, l’ombre d’Arthur Rimbaud, la frontière, les pointillés entre la Belgique et la France, les choses entre les lignes, les lieux de tous les possibles, une ligne ténue ou têtue, “la frontière en moi est comme infuse”, la douane, “La douane est un genre de confessionnal où on ne fait pas le malin”, une brèche, “Mais entre les interdits et les péchés, il y a plein de brèches où je me faufile avec délices pour sucer mon pouce, faire des grimaces et dire merde tout haut”, la plume traçant des suspensions, l’essui et le torchon, l’appel du large, la lisière, des mots et des sens…
De courts textes formant récit, des citations, des pointillés et des contours, Pierrette, Roland, la voyouse, les exils…
J’ai pour ma part dans l’enfance traversé souvent, plus à l’ouest dans le plat pays, cette ligne imaginaire aux contraintes administratives fort variables…
Des pointillés en émotion. »
Didier Epsztajn, Entre les lignes entre les mots, 25 octobre 2019« Cette fin d’année 2019 est marquée par la publication de Pointillés, suite émouvante de courts textes formant récit “pour tresser une guirlande à toutes les ombres, iriser leurs pauvres histoires”. Un livre hanté de beauté pure et grave : “Les morts nous laissent des bouts d’histoires inachevées, des béances, des mailles détricotées, des traces pâlies […]. Ils freinent notre fuite en avant. Leurs paillettes, leurs lambeaux mettent des questions dans notre histoire…” »
Alain-Gabriel Monot, ArMen, n° 233, octobre-novembre 2019« J’avais déjà lu un livre de Françoise Louise Demorgny qui m’avait enchantée. Celui-ci ne m’a pas déçue. Là encore, le choix a été difficile, j’aurais voulu en donner à lire davantage. Sachez que c’est une petite fille qui parle ou une adulte qui se souvient très bien de son enfance. Les textes tournent autour de l’idée de frontière, que le maître d’école dessine en pointillé au tableau. Par conséquent, le dessin est une limite à ne pas franchir et que l’on franchit quand même puisque, entre les points, il y a du vide par lequel on passe, ou peut passer si on se fait petit, discret. La frontière, la limite, est celle qui sépare la Belgique de la France, et plus précisément celle qui se trouve du côté de Charleville, le pays de Rimbaud, à qui il est fait très souvent allusion. Chaque texte est surmonté d’un extrait de poème, un peu transformé, dans sa typographie, par l’auteure, un extrait qui lui sert de musique pour écrire et d’hommage à rendre aux poètes qu’elle aime. »
Marie Étienne, « Esquif poésie », En attendant Nadeau, 3 décembre 2019« Il faut lire Françoise Louise Demorgny. Et découvrir cette trilogie de la frontière, nous l’appellerons de la rouille, titre du premier volume du triptyque. “Tourmentée fidèlement” et doucement par le pays d’enfance, l’auteur ramasse des bouts d’histoires inachevées, mailles de vies détricotées, ferrailles travaillées et abandonnées, traces effacées sur un seuil de maison, tôle, bout de chaîne à vache ramassée dans un fossé. Et puis tous ces cœurs, ces mains, ces vies des simples d’un coin perdu de forêt. Si la vie est un passage, l’enfance de l’auteur (née en 1946) est tout en frontières, de la haie piquante qui ferme le jardin des jeux et des rêves, la voie ferrée où passent les trains un peu plus loin et enfin “la vraie frontière” celle que seuls franchissent les animaux sauvages et les oiseaux. France d’un côté, Belgique de l’autre, la frontière est une limite et le signe d’une immense rêverie, d’un ailleurs tout près et lointain en même temps. Rimbaud le frère et cousin d’ici accompagne la narratrice. Françoise Louise Demorgny écrit en poète, raconte en romancière, écoute en lectrice. »
Coup de cœur de la librairie Les Saisons à La Rochelle, hiver 2019« Le texte se construit en récits unis et autonomes à la fois […]
On peut alors penser à un abécédaire même s’il est en désordre, ou bien à un dictionnaire dont les définitions s’agrémenteraient de faits et d’images, de songes aussi, à mesure que le texte progresse et que l’enquête s’affine. […]
Cependant, cet ensemble interroge aussi la poésie, les points, les pois comme autant de réductions ou d’ellipses pour ne pas tomber dans un chagrin éternel. »
Clara Regy, « Instantanés », Terre à ciel, novembre 2020« Ces pointillés qui conduisent l’ouvrage invitent à de multiples lectures. Il peut être considéré comme recueil de poèmes en prose, chacun désigné par un mot sans pronom posé comme un point en tête de page. On peut aussi faire défiler les incipit qui surmontent chaque paragraphe, les reliant comme un long poème. Le livre est cependant construit en continuum, une avancée erratique néanmoins conduite par la ténacité d’une enquêtrice qui s’appuie sur des extraits de journaux intimes, bribes de paroles et d’instants remémorés, documents officiels et qui cheminent vers “ces morts, les miens qu’à force de vouloir je ranime / que je dérange dans leur paix éternelle”. On y croise, parmi les membres d’une famille, une tante Pierrette, ses clartés, ses obscurités, l’absence de son fils Roland et le fantôme de Rimbaud qui, comme l’auteur est issu des Ardennes, ce massif que traversent les pointillés d’une frontière. Rimbaud qui sur ses manuscrits, “…use de points de suspension” dont “chacun restitue un geste, un élan, une rage, une retenue, rend un souffle, une humeur oubliée et parle“. Flottantes et discrètes, les paroles de nombreux poètes ponctuent une écriture tout en suspensions où l’air circule si bien entre les lignes, entre les mots. »
Jacques Vincent, 30 minutes d’insomnie, 9 septembre 2021