Basse langue

Auteure
Christiane Veschambre
Récit
142 pages, 14 x 20 cm
Parution : juin 2016

Publié avec le soutien de la région Bretagne

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 18,00

UGS : 978-2-917751-68-8 Catégorie :

Description

Les livres nous arrivent dans la force du surgis­se­ment, nous rendant étran­gers au fami­lier – aussi bien en tant que lecteur qu’en tant qu’écrivain, et Chris­tiane Veschambre parle là de ce double point de vue. Ce sont eux qui lui ont permis d’être à l’écoute de la « voix privée de langue, une voix de grand-​mère débile » dont elle est la « petite-​fille lettrée », à laquelle elle a tenté de donner ses « propres mots ».
C’est de chemi­ner avec eux, en eux, qu’elle cherche la langue « qui étrange, qui étrangle », la basse langue.
Et c’est sur ce chemin qu’elle nous entraîne à ses côtés, reve­nant sur quatre lectures, quatre rencontres, avec les œuvres d’Erri De Luca, Robert Walser, Emily Dickin­son, Gilles Deleuze, et, en guise d’épilogue, avec Mrs Muir, le person­nage du film de Mankiewicz.
Mais Chris­tiane Veschambre nous fait emprun­ter en paral­lèle, tout au long de Basse langue, ce qu’elle appelle ses « traverses », plus intimes, qui creusent, fouillent dans « l’imprononçable qui demande à être arti­culé », dans la langue « gron­dante, souter­raine ». Autant de petites proses qui semblent cris­tal­li­ser sa vie de femme, de femme écri­vain, toujours veillant cepen­dant à « déta­cher le person­nel du singu­lier », pour rejoindre l’étrangère qui est en elle.

Notes de lecture

« … Nourri sans aucun doute de la pensée de Blan­chot, de Foucault et bien entendu de Gilles Deleuze, le livre de Chris­tiane Veschambre, Basse langue me semble tout entier travaillé, soulevé et bien sûr aussi contra­rié, par ces rêves large­ment péné­trés par la pensée du Dehors. Livre portant en appa­rence sur la lecture, il plonge en fait assez doulou­reu­se­ment au coeur de toute l’expérience intime que peut avoir une femme de ce qui l’a mise au monde non comme struc­ture close déli­mi­tée par un moi connais­sable, mais comme force poten­tielle d’accueil venant inven­ter cette conscience plus terri­ble­ment habi­tée de ses manques, rendue présente au monde autour, étran­ger, qui aspire, élar­git et décentre.
Quatre expé­riences de lecture, quatre “secousses”, pour prolon­ger la méta­phore volca­nique, occupent le premier plan de l’ouvrage de Chris­tiane Veschambre. Au-​delà du simple exer­cice d’admiration — elles se présen­te­raient plutôt comme des témoi­gnages de recon­nais­sance au double ou triple sens du terme — les pages consa­crées à Erri De Luca, Robert Walser, Emily Dickin­son puis à Gilles Deleuze sont une tenta­tive d’approfondissement par les mots de ce qui essen­tiel­le­ment ne passe pas par eux, mais dont quand même ils produisent le signe, accrochent parfois le fris­son : cette épreuve inté­rieure, cette lave, ce “feu qui dissout les limites du corps”, cet indi­cible “qui veut être prononcé”, cet “innom­mable” comme disait Beckett, qu’est l’appel en nous d’un vif conscient de sa propre mort, avide aussi de toutes les virtua­li­tés que la vie dans ses limites biolo­giques, sociales et bien sûr cultu­relles, fait le plus souvent tris­te­ment avorter.
Comme nous le savons au moins depuis Proust, lire n’a rien d’une acti­vité abstraite, bien déta­chée des circons­tances singu­lières qui la voient naître. En vivante et véri­table lectrice, Chris­tiane Veschambre, situe le cadre parti­cu­lier de chacune de ses lectures. Ainsi de sa lecture, à Naples — à deux pas du Vésuve !!! — du livre d’Erri De Luca, Monte­di­dio. Mais la profon­deur ici de l’ouvrage tient à ce qu’à partir de chacune des œuvres qu’elle évoque, elle se penche sur ce qui, issu de sa vie propre, vient reten­tir au plus profond d’elle-même. S’inscrivent alors dans l’ouvrage un ensemble de plon­gées person­nelles plus ou moins fantas­mées par lesquelles se rejoue la pièce toujours à repré­sen­ter d’une exis­tence où le passé n’en finit pas d’interpeler le présent au nom de ce qu’il aurait pu ou dû être. ET le présent d’en ressen­tir la lourde culpa­bi­lité. La tris­tesse. Ou la mélan­co­lie sourde. […]
Et c’est la force ici de l’ouvrage de Chris­tiane Veschambre que de mani­fes­ter de l’intérieur, par son propre dispo­si­tif, que les seules œuvres mais aussi les seules lectures qui comptent sont celles qui parviennent à faire un peu entendre, bien au-​delà des mots, fendant toute l’épaisseur de croûte qui lui fait ordi­nai­re­ment barrière, cette basse langue qui forme l’horizon vrai, vivant et à jamais indé­ter­mi­nable, de notre condition… »
Georges Guillain, Les décou­vreurs, 15 juin 2016

« Quel est ce monde où nous arri­vons, où nous appre­nons des mots qu’on n’avait pas encore enten­dus, où la main qui écrit risque de lâcher l’autre, cet “enfant-​ma-​mère”, voire la mère de cet enfant ? Trou­ver son chemin dans les mots qu’on lit d’une langue étran­gère, l’italien d’Erri De Luca, l’allemand de Robert Walser, l’anglais d’Emily Dickin­son. Lire comme on marche. Lais­sant venir les images, les rêves, les souve­nirs. Comme on marche seul pour lais­ser surgir à chaque pas la langue secrète, pas encore déchif­frée, et qui dit d’où l’on vient et qui tient cette main, quand on avance dans la forêt, qu’on traverse un paysage de neige, qu’on approche du volcan ou de la mer, par cette “route (mari­time) amoureuse”.
“Les noms ne dési­gnent pas des iden­ti­tés mais des forces, écrit Gilles Deleuze.” Les noms, c’est tout ce qui reste après la mort, écrit ailleurs Jacques Derrida. Chris­tiane Veschambre nomme ces femmes qui l’ont mise au monde et lui rappellent cette “basse langue”, la font passer, au milieu du livre, par le “trip­tyque de la chambre secrète”, celle de l’annonciation, et lui révèlent que “chacun est à soi-​même un univers de soli­tude et de bâtar­dise où s’ensemencent l’un l’autre le ‘vulgaire’ — le commun des hommes — et le singulier”. »
Marc Verha­ver­beke, Écrire ici aussi, 11 août 2016

« Tantôt poème en prose, tantôt prose médi­ta­tive, Basse langue de Chris­tiane Veschambre (éd. Isabelle Sauvage), texte subtil, plein de détours et qui peut sembler compo­site, appelle à coup sûr à la relec­ture et à la réflexion. Mais faut-​il attendre d’être plei­ne­ment satis­fait de son approche et assuré de sa compré­hen­sion pour en rendre compte, au risque de renvoyer la rédac­tion de cette chro­nique aux calendes, grecques ou pas ? En consé­quence, pour l’heure, on se conten­tera de ce galop explo­ra­toire, me promet­tant de reve­nir bien­tôt sur ce livre, impor­tant oui, qui dépasse à mon sens à la seule démarche créa­trice de Chris­tiane Veschambre, pour ouvrir sur tout un pan de la poésie d’aujourd’hui, de celle que j’ai défi­nie, à propos de James Sacré et de quelques autres, comme la poésie gauche […].
Basse langue retrace le parcours quasi initia­tique qui condui­sit Chris­tiane Veschambre du statut de lectrice à celui d’écrivain et de poète. Il semble entendu, derrière ces deux points de vue qui alternent au fil des pages et des frag­ments, que lire et écrire sont les facettes d’une même acti­vité : la poésie et la litté­ra­ture n’existent que parce que d’autres ont écrit avant nous, qui ont ouvert le chemin dans le même temps qu’ils le barrent, qu’ils obligent à les contour­ner. “Le combat est toujours recon­duit, sans fin, puisqu’il s’agit de celui du langage contre lui-​même.” Et la poète retrouve cette vérité, qu’un Fran­cis Ponge expri­mait déjà avec force dans les Proêmes, qu’on écrit par “dégoût du langage”.
Ce combat contre le langage, c’est-à-dire contre ce qui se lit et s’écrit dans les livres “lisses”, le langage de maîtrise “qui fait comme s’il n’y a pas de langue”, on ne saurait le mener seul ; on doit se choi­sir, au hasard des rencontres, des compa­gnons singu­liers, des guides dérou­tants. Pour Chris­tiane Veschambre, ils seront au nombre de quatre : Erri De Luca, Robert Walser, Emily Dickin­son, Gilles Deleuze. Un film fait la synthèse, de Manckie­wicz, avec ce person­nage d’écrivaine sur laquelle la poète projette sa propre démarche, Mrs Muir, qui sous la dictée d’“une force qui lui est tota­le­ment étran­gère”, incar­née dans le fantôme du Capi­taine, accepte d’écrire “un langage choquant pour une jeune femme dont la voix ferme et musi­cale respecte les usages corrects et le bon ton de sa langue”.
Récit de décou­verte et conquête de cette langue basse, idéal et projet, à laquelle on n’aborde qu’avec peine, à travers des lectures tâton­nantes que l’auteur nomme “grume­leuses” comme aussi le sont certains livres : partant, certaines écri­tures. Mais je laisse pour l’heure, conclu­sion provi­soire, la parole à l’auteure :
“Quelle est cette langue que tu ne parle­ras jamais, qui aurait été la langue de ton peuple-​à-​venir ? La langue opaque qui trébuche sur les mots. C’est à toi de buter et d’approcher pas à pas de l’obscur consis­tant de la langue basse. Ta libre langue à toi : basse et libre. […]
De langue libre tu ne sais pas le premier mot.
Sans doute parce qu’elle n’a pas de premier mot.” »
Claude Vercey, « Le lisse et le grume­leux », I.D n° 646, Décharge, 19 août 2016

« Basse langue ? Titre énig­ma­tique, singu­lier. Existerait-​il donc une “basse langue” comme il existe des basses eaux, des basses saisons, des basses terres ? À lire le dernier ouvrage de Chris­tiane Veschambre, il semble­rait bien que oui. […]
Rien en appa­rence qui permette de juxta­po­ser ces diffé­rentes langues avec un titre au singu­lier, si ce n’est cette “basse langue” qui persiste à bruire entre les blocs distincts façon­nés par chacune des langues. Un rien qui assure cepen­dant la conti­nuité de l’interrogation ainsi que l’unité et la profon­deur de la réflexion. […]
À l’origine, il y a la rencontre avec une langue. […] Une langue qui engendre un surgis­se­ment violent. Un séisme. Une tempête. Une secousse qui s’accompagne de fris­sons ; de trem­ble­ments. Cela survient avec la langue qui “étrange”. Cet “ébran­le­ment”. Quelque chose se produit à la lecture, qui boule­verse et qui pour­suit son travail de taupe, en silence et en profondeur.
[…] Mais “donner corps à la basse langue” n’est pas chose toujours possible. Il arrive que le travail de taupe échoue et que la basse langue se refuse. De cet échec naît le senti­ment d’impuissance et d’extrême soli­tude des “jours de peine”. La poète fait appel à l’animal qui en elle parfois la rejoint. Elle lui parle :
“Je dis : bête poignante, donne-​moi la langue qui étrange, la langue qui m’étrange, qui m’étrangle les mots lisses dans la gorge, donne-​moi la basse langue. La basse langue, c’est mon pays, une langue sans mémoire, une lande où pous­se­raient en même terre un vif esprit et les mottes de la taupe excavatrice.”
[…] Repous­ser les résis­tances, voire les faire recu­ler, est une épreuve pour qui veut écrire. Pour Chris­tiane Veschambre demeure à jamais la camera obscura, celle dont elle ne se déci­dera pas à livrer les secrets. »
Angèle Paoli, Terres de femmes, septembre 2016

« Chris­tiane Veschambre nous met en présence de quatre auteurs, quatre ouvrages (au moins) avec le tout d’elle-même (pensée, corps réunis) et à l’aide d’un sismo­graphe. Des cher­cheurs viennent d’inventer des machines pour mesu­rer les ondes de nos corps, leurs secousses, leurs trem­ble­ments, et pour soigner les mouve­ments qui nous habitent, Chris­tiane Veschambre les a devancés.
Dans ce livre, qui ne ressemble à aucun autre, on réap­prend à lire. Mais sans leçon. Personne ne sait lire. On apprend à chaque nouveau livre, la langue qui cogite dedans. […]
Il ne suffit cepen­dant pas d’enregistrer des secousses, il faut suivre aussi une gale­rie de taupe pour entrer discrè­te­ment dans les gale­ries des autres taupes, car écrire parfois c’est “lais­ser surgir les phrases creu­sant, avec une patte de taupe aveugle”. Quand le petit monti­cule appa­raît à la surface du sol, on sait que la terre vit.
Chris­tiane Veschambre insiste sur la carac­té­ris­tique “grume­leuse” de cette lecture, qui est juste­ment une petite motte de terre. On la sent sous la langue. On fronce les sour­cils, là encore le sismo­graphe peut perce­voir quelque chose d’un mouve­ment qui fait oscil­ler la main de l’écrivain (la main de lecture est posée). […]
Mais ce n’est pas seule­ment de livres dont il est ques­tion ici, mais aussi de vies, de rêves, d’animaux, pas les moins impor­tants (“quelque chose en l’animal soulage de l’humain”), parmi ces personnes qui viennent puis s’éloignent. […]
Ces personnes, ces moments qui sont des “dons” appa­raissent entre les livres, pour nous faire comprendre que cette assem­blée de proses suit une ligne de fuite, que l’on pour­suit ou qui nous pour­suit, tout au long, pour trou­ver, rencon­trer, ce qu’est, ce que pour­rait être la “basse langue”, celle qui n’écrit pas mais fait écrire. […]
S’il y a un véri­table effet de “conta­gion” entre les proses de Basse langue, c’est que Chris­tiane Veschambre a une âme géné­reuse, elle nous accueille dans les livres des autres. […] sans nous abreu­ver de mots, sa langue est parci­mo­nieuse, chaque mot est précis, pointu, grume­leux donc. Elle nous livre le néces­saire, et même ce qu’elle vit seule est un je-partagé. […]
Ce qui est sûr, c’est qu’il y a là une joie profonde qui se soulève des mots, du fait de penser, de tout le livre, elle monte des profon­deurs comme le petit tumu­lus de la taupe, sort sa tête aveugle, et son pelage brun et soyeux appa­raît. Sans cesse “l’émotion fait trem­bler notre terre, fait érup­tion, la pensée nous propulse, vous étiez sur place, dans votre maison, vous vous retrou­vez lancé sur la route, projeté vers”, c’est ce qui arrive à tout lecteur et lectrice de Chris­tiane Veschambre, avec ensuite l’épuisement que l’on savoure, “la jachère” qui se reconstitue. »
Camille Loivier, Poezi­bao, 26 septembre 2016

« On connaît Chris­tiane Veschambre depuis l’époque où elle éditait avec Thierry Trany et Florence Pazzottu la revue Petite. On repar­lera de cette revue pas si petite et magni­fi­que­ment colo­rée. A l’époque déjà ses sommaires parlaient pour elle. Mais reve­nons au sujet du jour : Chris­tiane Veschambre et sa Basse langue. Depuis Les Lais de la traverse, publiés aux éditions des Femmes en 1979, Chris­tiane Veschambre écrit et publie. Basse langue, son livre récem­ment paru aux éditions Isabelle Sauvage montre comment sa lecture, ses plon­gées répé­tées dans les langues d’autrui (Erri De Luca, Robert Walser, Gilles Deleuze et Emily Dickin­son en parti­cu­lier) révèlent une source de sa vie et de sa créa­tion, quelque chose de profon­dé­ment enfoui en tout cas.
“Enfant, j’ignorais que les livres étaient écrits par des personnes. J’ignorais qu’ils étaient écrits. C’était de l’écriture, cela je l’avais sous les yeux, et j’ai­mais y aller, y demeu­rer. Et les livres, je les aimais tout entière chaque fois qu’il m’en arri­vait un – ce n’était pas une maisons avec livres là où je vivais mais chaque individu-​livre y entrant, à l’oc­ca­sion, était accueilli à l’égal des choses qui permet­taient de vivre comme la nour­ri­ture, le char­bon, les vête­ments, le buffet, le robi­net, le poste de radio.”
Le poste de radio, oui, bien sûr. Car au fond, en dévoi­lant le parcours de la lectrice Chris­tiane Veschambre dans le parcours de l’écri­vain Chris­tiane Veschambre, son récit évoque un cas d’acous­tique poétique, la lecture faisant office de capteur de sons. Ces sons qui sont perçus au cours des lectures sonnent, provoquent des vibra­tions qui, conju­guées, font jaillir une basse profonde. C’est un peu le prin­cipe de l’orgue au bour­don ou de la troi­sième voix du chant mongol, l’ir­rup­tion d’une infra-​basse qui fait s’écrou­ler les ponts, mais l’exemple est sans doute mal choisi… cette basse langue des profon­deurs est ici celle dont la sédi­men­ta­tion provoque la fonda­tion, la créa­tion, le solide. »
Éric Dussert, « Acous­tique de la lecture », L’Alamblog, 26 novembre 2016

« Écrire suppose inévi­ta­ble­ment d’aller voir là-​bas si un autre écri­vain s’y trouve, s’il peut dire ce qu’est écrire. Lire ce que dit un autre de ce geste d’écrire, parta­ger dans le silence des pages ce tâton­ne­ment, cette descente en profon­deur dans le souffle des mots, écou­ter la respi­ra­tion, suivre le mouve­ment de la langue à écrire, le trem­ble­ment d’avant le surgis­se­ment, décou­vrir le terri­toire parcouru […].
Avec Basse langue, je sais en confra­ter­nelle certi­tude, que ce livre est pour moi. Je sais, je sens de toute vérité qu’elle est sur les chemins creux qui traversent les hameaux silen­cieux de l’écriture.
Alors, je m’avance dans le livre qui advient. Je suis l’hôtesse avec le sens réver­sible du mot où j’accueille et suis accueillie. […]
Avec Basse Langue, Chris­tiane Veschambre accom­plit une traver­sée. Son écri­ture inci­sive, sans cesse portée par l’élan et le soin d’ajuster les mots à ce qui est à dire, assume l’exigence d’un propos où par le détour de ses lectures, elle révèle l’opacité de l’intime. Elle m’a offert dans la lecture, la relec­ture, une belle clarté. Vive. »
Mireille Diaz-​Florian, Mondes fran­co­phones, 8 janvier 2017

« Liée à l’aventure des revues (elle a notam­ment cofondé Petite) et des ateliers d’écriture, Chris­tiane Veschambre a déve­loppé une œuvre portée par “l’expérience inté­rieure”. Loin des descrip­tions, de la psycho­lo­gie et du suspense, elle s’est inventé son propre mode de narra­tion en utili­sant les ressources du montage. Méfiante envers la philo­so­phie des philo­sophes profes­sion­nels mais inté­res­sée par ce qui dans le contem­po­rain a refusé les appa­rences, elle a enri­chi une pensée soucieuse d’avoir prise sur les strates de l’existence. Pour elle, écrire n’est pas “prendre la parole” afin de racon­ter des histoires ou de mani­fes­ter un style, mais parve­nir à faire taire en soi la langue de la commu­ni­ca­tion, la langue du vouloir, la belle langue, pour qu’après le silence puisse surgir la langue des soubassements.
Paru en juin dernier aux éditions Isabelle Sauvage, Basse langue cris­tal­lise cette recherche opiniâtre. Ce quin­zième titre fait tenir ensemble des séquences en italique mettant à vif des frag­ments d’une vie de femme (la mort du père, un avor­te­ment, la venue d’une ancienne amie de sa mère…) et des lectures (Erri De Luca, Robert Walser, Emily Dickin­son, Gilles Deleuze) que prolonge l’évocation de Mrs Muir, le person­nage du film de Mankie­wicz. Si on retrouve ce qu’on a aimé dans les ouvrages défen­dus par Cheyne, Le préau des collines, Ubacs…, plusieurs notions nouvelles viennent complé­ter le réseau des formu­la­tions mis en place au cours des années afin de capter la force de mots et de scènes qui font irrup­tion en dehors du vouloir. En un temps où le ciel est saturé de signaux tous plus “éblouis­sants”, plus “atypiques” les uns que les autres, ce livre compte parmi les rares phares – de lumière noire – suscep­tibles de nous faire encore signe. »
Gérard Noiret, En atten­dant Nadeau, 17 janvier 2017
L’article est suivi d’un bel entre­tien avec Chris­tiane Veschambre et présente, en paral­lèle, des extraits de son livre paru en 2018 aux éditions, Écrire. Un carac­tère.

« La réus­site de ce livre appa­raît alors : dans cette plon­gée au plus profond d’un sujet écri­vant, place est pour­tant faite au lecteur ; plus encore la lecture, de l’extérieur du texte si l’on ose dire, est le geste indis­pen­sable à l’engendrement du sens et plus forte­ment à la récep­tion de l’intention de ces pages : se défaire de toute dicta­ture solip­siste, “repous­ser les assauts du moi”, écrire contre “l’incoercible désir” du langage “d’asservissement à ce qui fait régner le moi”, à ce qui opaci­fie dans la pâte du temps une vraie réflexion sur l’intime sous l’illusion de l’autofiction.
[…] Mais le plus fort peut-​être, c’est pour nous lecteurs d’être à notre tour dans la situa­tion qui fut la sienne au prin­cipe de son écri­ture, d’être attra­pés par le trouble qui sépare et souvent noue les usages multiples et diffé­rents d’une langue basse, comme plon­gés en abîme, errant parmi les miroirs réflé­chis­sant les récits qui font la chair d’un livre. De ce livre particulièrement. »
Yves Boudier, CCP – Cahier critique de poésie, # 33 – 3, 26 janvier 2017

À lire également :
• Les notes prises au cours de sa lecture par Florence Trocmé sur son Flotoir, qui ont débuté le 26 juin 2016.

À écou­ter :
• Chris­tiane Veschambre parle de Basse langue et d’Emily Dickin­son dans l’émission Poésie et ainsi de suite de Manou Farine, sur France Culture, 12 mai 2017.