Description
La pandémiade propose trois ensembles écrits lors de ces deux dernières années, « Cronicque du confinement » (du 16 mars au 11 mai 2020), « Congés de liberté » (du 12 juillet au 9 août 2021) et « Sermon joyeux de la crise sanitaire » (du 23 août au 13 octobre 2021), qui eux-mêmes ne constituent qu’une partie d’une somme poétique en cours. Le titre, dit l’auteur, pastiche La Franciade de Ronsard, mais le néologisme renvoie aussi aux sonorités de débandade, mascarade ou encore jérémiade et autres termes au suffixe -ade.
Jean-Pascal Dubost n’est pas dupe, La pandémiade n’est/ne sera pas le seul livre écrit ou revenant sur ces deux années de crise (« so many poèmes urgents » et autres journaux de confinement). Si son écriture ne devait au départ qu’accompagner un temps de retranchement vécu comme heureux, il est vite rattrapé par « l’exquise joie d’écrire en temps de crise », même « s’icy n’y a ne ris ne jeu », même si s’emballe le « funeste compteur » journalier des chiffres, parce que « contre ça plutôt qu’esclave, vrai être en joie », sur le principe deleuzien de joie comme résistance au pouvoir. Et c’est dans une chanson de geste qu’il nous entraîne (« ce saint Sanitaire dont je vais dire quoy, savoir sa vie, sa légende et histoire »).
C’est sous trois formes médiévales qu’il décrit et décrypte la crise, ses drames et son absurdité, « l’improvidence de cet état nouvellement providence », l’œuvre de division sourde entre vaccinés, « gens du Bien », « nonvax, gens du Mal, Lumière contre Ténèbre », « l’étauritaire qui se resserre »… Le premier ensemble est découpé en 4 strophes de 8 vers chacune pour chaque jour, le second en strophes de 12 vers et le troisième déroule un flux continu, le tout composé en octosyllabes, rien moins, « Vertical octo qui tient droit debout dans ses bottes mon choix d’écriture pas penchée ni couchée », « insolent et dynamique ». Comme à son habitude, c’est aussi en naviguant dans une « languejoie », « estrange et barbarine », entremêlant les époques et leurs styles et grammaires, où l’ancien français est mâtiné d’anglais et autres atteintes à la « belle langue » (« désinfox », « décodex », « adéennes profondeurs », « ciffres et giffres qui deschiffrent nib »). Pas en « poète atrabile ; un poète réactivant plutôt, indocile et rebelle », jouissant d’« une fébrilité du diable »…
La pandémiade, ou « la force de forer profond dans la tristesse jusqu’au fond d’où extraire la joie encore dans nos plus violents désaccords d’avec le monde », en un heureux et salutaire retournement d’une crise sanitaire.
Notes de lecture
« L’ouvrage court de mars 2020 à octobre 2021. Autant dire la période du covid. Qui comme pour beaucoup d’auteurs s’est muée de fait en une période de création. Deux particularités cependant pour Jean-Pascal Dubost : cette séquence personnelle, aussi bien qu’universelle, est devenue son sujet quotidien, comme une expérience ouverte, un chantier continu et surtout l’occasion de mettre une nouvelle fois en avant cette écriture spécifique qui le caractérise, à savoir cette langue que l’on pourrait nommer, d’une façon non péjorative, rétrograde puisqu’elle ravive ses racines d’ancien français.
En cherchant à tout instant la vérité du mot révélée par une graphie ancienne (cronicque), des tournures désuètes ou des verbes vieillis (ramentevoir) remis au goût du jour (c’estoit), un sens oublié restauré par son usage (aroy ‑opposé à désarroi). Façon personnelle d’envisager l’écriture, qui se double d’une manière originale d’ouvrir l’ouvrage avec cette préface : “L’auteur à son livre”. […]
Jean-Pascal Dubost récapitule ainsi ces mois de crise que tout un chacun a traversés. Sous le titre Pandémiade avec ce suffixe qui croise notion de collectif et d’épopée, trois étapes se suivent où le poète de Brocéliande met son écriture au service de tout un peuple, voire tout un monde, sous cette plume un peu compassée qui lui permet de maintenir ses distances avec l’actualité vulgaire et banale pour mieux transcender ordinaire et quotidien. »
Jacques Morin, Poezibao, 23 décembre 2022