Description
& Leçons & Coutures II est le deuxième volume du « Grand Livre de Dettes » que Jean-Pascal Dubost a initié en 2012, publié par nos soins. « Invention verbale permanente et délectable, fabrique de mots qui tourne à plein régime… » (Florence Trocmé), « vrai festival de langue » (Antoine Emaz), « alliage tonique et singulier » (Bruno Fern), les éloges n’avaient pas manqué alors. De nouveau constitué de 99 poèmes en prose (« prosains »), chacun consacré à un auteur, mais cette fois-ci eux-mêmes constitués de 9 lignes (« neuvains »), et un titre-poème inaugural de la longueur d’un tweet, à savoir 140 mots (pour signes)… Si Jean-Pascal Dubost aime les contraintes, c’est pour se sentir plus libre, évidemment… c’est qu’elles ne sont que prétexte à faire langue, à faire corps avec la langue, en grande jubilation. En tant que lecteur, et en tant qu’auteur.
Derrière l’étendue de la culture livresque, aussi bien historique que géographique, des anciens aux modernes, des linguistes ou sémiologues aux poètes les plus contemporains en passant par les figures tutélaires, c’est l’amour de la langue qui jaillit dans sa liberté, son interrogation du monde et de notre rapport au monde tel qu’il nous situe, et nous déplace… l’amour des « mots-vivants », qui font « Libérature par tous les moyens ». Prédilection donc pour les insurgés et anarchistes, les satiriques, baroques et jouisseurs de toutes les époques, bref, pour l’énergie flamboyante d’un Jean Sénac comme d’un Juvénal, d’un Vergheggen comme d’un Artaud, d’un Victor Hugo comme d’un Ghérasim Luca…
Mais ces poèmes, loin, très loin du pastiche que l’on pourrait attendre dans ce type d’exercice, sont ceux d’un « poète-punk-hack » qui « pirate et pique et puis trafique et bricole et chiffre ce qu’il a pique-piraté, lance des trolls farceurs dans la langue que nul péquin quasi ne pane pour brouiller les pistes… » (et c’est à l’entrée Mallarmé…) ; d’un poète écrivant sur mais avec chacun des auteurs cités, mêlant les allusions plus ou moins cryptées à ces figures comme à soi-même, en un « échange quasi organique » comme l’avait si bien relevé Florence Trocmé pour le premier volume… Et dans une liberté sidérante : passant, pour Charles Reznikoff, de la reproduction verbatim (et dans la graphie d’époque) d’un extrait de l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) à un poème grivois pour Bukowski (« Ah ! les premières amours en cru dans le texte où le cul cruel est cul sec et n’a cure du roman du cuers de l’amour espris ») — où l’on voit au passage, dans ces deux exemples, l’amour de Jean-Pascal Dubost pour l’histoire de la langue et de la littérature, avec penchants pour le médiéval et le baroque. Et cherchant, toujours et encore, que « le poème soit une rafale de mots, et un acte utile au combat, et utile comme la pluie, et une arme d’assaut […], et une arme de persuasion subliminale, car la poésie, hé, bien visée, ça peut faire mal – ». À force de rire, aussi !
Notes de lecture
« Par rapport au tome 1, paru aux mêmes éditions en 2012, le dispositif est fortement allégé dans la mesure où les poèmes sont ici donnés nus, sans accompagnement de notes, gloses et périphéries diverses. Mais le principe reste le même : en titre, un nom d’auteur, suivi d’un poème bref d’un seul souffle, “selon la stimulante contrainte du neuvain en prose” (p. 3 ; cf. l’Anthologie permanente de Poezibao, 28/05/2018). L’objectif aussi reste identique : constituer un “hommagier”, entre bibliothèque idéale et panthéon personnel, “Grand Livre de Dettes”. Avec les 99 écrivains ici présents, auxquels il faut ajouter ceux et celles du tome 1, nul doute que Jean-Pascal Dubost, comme tout poète, soit très endetté. On n’écrit pas à partir de rien, on reconnaît seulement ses dettes, ou non. Ajoutons que la multiplicité et la diversité des auteur(e)s dans le temps, l’espace, la notoriété, le genre littéraire (même si les poètes prédominent), ainsi que l’uniformité de traitement et l’absence de classement dans le livre interdit de privilégier tel ou telle. La dette s’annule dans la profusion, en quelque sorte, et il ne reste que l’écriture propre à Jean-Pascal Dubost, qui salue au passage, sans marquer d’insistance particulière, toutes et chacune de ces œuvres. À la lecture des sommaires des tomes 1 et 2, le lecteur peut néanmoins distinguer des pôles : américains XXe, poésie française moyen-âge et XVIe, XXe français, poésie contemporaine… Mais Dubost ne partage pas ce souci de regroupement ou de délimitation de zones d’influence, il propose plutôt une circulation à travers une bibliothèque sans catalogue raisonné ; toutes ces œuvres existent en même temps et nourrissent (ou ont nourri) la sienne. En ce sens, elles sont égales et ont toutes droit de cité (et d’être citées) dans ce qui est moins un musée que l’état présent d’une culture littéraire vivante, celle de l’auteur.
Chaque neuvain est particulier, chantourné singulièrement en fonction de l’auteur évoqué, mais on distingue tout de même à la longue une méthode : d’une part, une prise synthétique sur l’œuvre ou un aspect de cette œuvre qui est celui qui a compté (le plus ?) pour Dubost, ce qui fait qu’il retient ou est retenu par l’écrivain en question. Puis, à partir de là, une broderie disons lyrique, souvent énumérative, toujours joueuse, tournis de langages qui entrechoquent sons et sens produisant de la vitesse et quelque chose comme une musique hétéroclite autant que maîtrisée dans son flux baguenaudant sans se perdre jusqu’au tiret final. À peu près ça. Il y a donc du jeu, mais pas seulement, il y a aussi une vraie justesse dans la prise première, personnelle et globale à la fois, embrassant l’œuvre. […]
Le dernier poème du livre est consacré à Paul Valéry, et ce n’est sans doute pas un hasard, tout comme le premier évoquait Bernard Collin dont la contrainte “22 chaque jour” entre en écho avec celle des 9 lignes de prose par auteur que s’impose Dubost. De fait, pour Valéry, il y a bien dans le poème dubostien ici “une fête de l’intellect”, mais il faudrait ajouter illico qu’il y a autant travail et débauche, jeu et plaisir et jouissance de s’ébattre “dans le grand bazar souk souk de la langue tous azimuts” (p. 47). »
Antoine Emaz, Poezibao, 15 juin 2018« C’est son Grand Livre de Dettes. Jean-Pascal Dubost l’alimente régulièrement, comme il le ferait d’un feu qu’il faut entretenir pour garder les braises vives et la chaleur ardente. Un premier volume avait déjà vu le jour en 2012. Voici le second, dédié, comme le précédent, à quelques uns de ceux, poètes et écrivains, qui ont compté, et comptent toujours, pour lui. Menant “vie hermitaine à Saint Barthélémy”, en Brocéliande, il les lit assidûment et peut aisément sortir de leurs textes et les faire entrer dans les siens.
Ils sont 99. Ne tiennent pas en place. S’échappent souvent de sa bibliothèque. Viennent d’horizons différents. On y croise Andrea Zanzotto, Gregory Corso, Denise Levertov, Charles Olson mais aussi Jean Sénac, André du Bouchet, Valère Novarina ou Jean Tortel. Ils ont vécu dans des époques lointaines (Pernette du Guillet, Christine de Pizan, Guillaume de Machaut), ou plus proches, au dix-neuvième ou au vingtième siècle (Hugo, Artaud, Gracq, Perros, Tzara) et certains, gardant bon pied, bon œil, (Roger Lahu, Lambert Schlechter, Ariane Dreyfus, Dominique Poncet et bien d’autres) sont toujours de ce monde.
Chacun / chacune est évoqué dans un texte bref : un neuvain en prose se terminant par un tiret. Ces poèmes sont amples et ramassés. Nerveux et pleins de trouvailles, ils sont riches d’une substance particulière, d’une matière extrêmement travaillée où apparaissent, çà et là, quelques détails précis et traits essentiels touchant aux écrits de l’auteur choisi.
Pour ce faire, cet insatiable lecteur butine, triture, frotte, manipule, emboîte, enchâsse les mots. Il sollicite également son corps, y puise une belle énergie qui s’ajoute à celle qui provient de ce souffle continu, presque haletant, qu’il maîtrise à la perfection et qui permet à sa phrase de se maintenir constamment sur la crête des vagues Il adapte son lexique en fonction du poète nommé, va volontiers s’approvisionner en vieux français, y bouture des pépites venues d’autres langues, y “lance des trolls farceurs”, se montre facétieux, donne joyeusement de ses nouvelles, invente, joue avec les sons et les sens, stimulé par la contrainte qu’il s’impose et subjugué par la fougue du rythme qui, chez lui, ne faiblit jamais. »
Jacques Josse, Remue.net, 20 juin 2018« La langue de Jean-Pascal Dubost est fortement mâtinée d’ancien français, tant dans son lexique que dans sa graphie (“griphé en grafie réjouissante”), mais pas seulement : tous les idiomes y concourent, des patois régionaux aux parlers populaires d’aujourd’hui – n’y manque peut-être que le vocabulaire scientifique –, sans compter les néologismes, nombreux et souvent savoureux. L’auteur est un lexicolâtre et un logophile ; son esthétique est proche de celle de Rabelais ; il joue sur l’excès, l’accumulation, la distorsion, les allitérations, jongleries, exclamations, etc. – tout ce qui fait que les mots rythmiquement insinués dans l’oreille provoquent un plaisir quasi charnel. Y concourent, pour le plaisir de l’esprit, proverbes et expressions détournés (le feu de dieu, à propos d’Artaud) et les jeux de mots – quitte à les emprunter à un autre, si l’emportement de l’écriture le réclame : “il faudrait inventer quelque nouveau langage qui n’langage que soi” (à propos de… Théophile de Viau).
Chaque poème est fait d’une phrase unique, ponctuée, d’une grammaire souvent malmenée jusqu’à la faute et au style télégraf. On pense à ces dragons qui s’enroulent spasmodiquement sur eux-mêmes en formant de multiples anneaux, si bien que, malgré la brièveté de ces textes, il arrive qu’on en perde le fil. L’auteur aussi, semble-t-il, qui court avec jouissance vers la neuvième ligne où, que le sens se soit ou non formé, tombe le couperet du quadratin final. Poèmes que l’on ne comprend parfois que par flambées, sans en être totalement éclairé, mais assez pour en être échauffé ; et qui parfois, au contraire, se donnent de façon presque fluide. […]
Il est des recueils dont rendre compte est une pénitence car, malgré leur originalité, leur intérêt ou leur beauté, ils échappent à la saisie critique. Celui-ci, c’est plutôt le contraire. Il faut se réfréner, tant la matière vous sollicite. Sainte-Beuve définissait ainsi l’écriture de Jean-Baptiste Rousseau : baroque, métaphysique, sophistiquée, sèche, inextricable… Cela va comme un gant à Jean-Pascal Dubost, sous réserve d’ajouter : bouffonne, forcenée, profuse, biscornue, espiègle, éperdue, excentrique… »
Gérard Cartier, « Le “8½” de Dubost », Terre de femmes, juillet 2018À lire, une longue étude de Pierre Vinclair s’attachant en parallèle au diptyque des Leçons, I et II, et à un triptyque de Dominique Quélen, dont voici quelques extraits mais à laquelle nous renvoyons pour une lecture intégrale.
« À l’intérieur des neuvains en prose de Dubost circule également une belle énergie, qui est à la fois pompée chez les auteurs célébrés, et renvoyée en guise d’hommage. Chaque poème apparaît comme un petit autel fait de branchettes, offert à l’arbre d’où elles auraient été arrachées (parfois, soutenues par des branches venues d’autres arbres). Le “clair baiser de feu” (comme disait l’autre) de la lecture, dévalant la page, embrase le tout. […]
Ce qui me semble plus important, en l’occurrence, c’est la force avec laquelle un projet vient se fracasser sur la langue pour y laisser une empreinte. Je faisais mention plus haut d’une énergie qui traversait la prose des deux auteurs : voilà, me semble-t-il, ce qui compte. Je dirais volontiers que cette énergie est la manifestation textuelle d’un projet existentiel, la manière dont une vie vient frapper le langage pour le tordre à son but. […]
On pourrait dire que je parle tout simplement de “style” ici ; mais on risquerait alors de croire qu’il s’agit d’une question de virtuosité, ou d’une propriété de la langue (comme lorsque Dubost écrit “j’écris en langue dubost”, LC I, p. 12) — ce que je ne crois pas : il n’y a pas de langue dubost ou, si cela signifie un ensemble de propriétés reconnaissables, elle ne vaut guère que comme décoration. Pourquoi Perros ou Artaud sont-ils reconnaissables, dans leurs textes ? Non pas parce qu’ils fignolent les signes extérieurs de leur petite entreprise textuelle : ils ne se comportent pas comme des marques. C’est plutôt qu’ils sont de part en part animés par une énergie, laquelle répond au projet de faire quelque chose avec le langage. En cela, j’aurais tendance à penser qu’aucune grande œuvre (même illisible) n’est intransitive, car elles sont grandes, précisément, d’avoir cherché autre chose que l’œuvre : il ne s’agit pas, pour ces auteurs, de faire du marketing en donnant à des textes une allure correspondant à quoi le signataire nous avait habitués. Il s’agit plutôt de saisir cette grande chose étrange qu’est le langage, et de le tordre dans tous les directions jusqu’à le plier à un projet immense. Les plis que le langage a pris, loin d’avoir été cherchés pour eux-mêmes, auront été imposés par la nature du projet.
Quels grands projets auront donné leurs plis aux textes de Dubost et Quélen ? Celui qui anime la série Et leçons et coutures est le plus simple à saisir, tant il est explicite et conscient : c’est un projet qu’on pourrait qualifier de religieux, dans la mesure où il s’agit d’utiliser la langue comme un moyen de communion. Comme dans beaucoup de religions, la communion trouve ici son ciment dans un hommage rendu aux anciens, et (comme par exemple dans la Chine archaïque) les anciens ont pour propriété essentielle d’avoir été à l’origine des pratiques grâce auxquelles on leur rend hommage. En cela, le travail de Dubost s’inscrit dans l’un des projets de la modernité poétique les plus identifiables, depuis les gloses de Mallarmé sur le catholicisme : la reconquête après la mort de Dieu du rite par la littérature, ou la communion dans le partage du corps sensible de la langue. »
Pierre Vinclair, « Des projets en prose », Catastrophes, 13 septembre 2018« Voilà plusieurs années que Jean-Pascal Dubost a entamé un travail d’hommage aux écrivains qu’il chérit et qui composent sa bibliothèque. Le poète de Brocéliande (il y organise un festival) a même inventé une forme pour cela, court texte d’une phrase qui se termine à chaque fois par un tiret.
Le deuxième volume réunissant ces textes comprend 99 poèmes de 9 vers chacun. Ils mélangent les vocabulaires (celui de l’ancien français inclus) et les époques : les écrivains honorés sont très variés, des plus connus (Kafka, Orwell, Mallarmé) aux plus oubliés (Hélisenne de Crenne). »
Guillaume Lecaplain, « Le poème du lundi », Libération, 24 septembre 2018« […] ne boudons pas notre bonheur de lecture du pandémonium second (comme vent favorable) en regard ou contrepoint de fugue du panthéon premier. Ici une croche tient parfois lieu d’esperluette et les auteurs d’appoint nommé, de point perlé, à point recuits de légende, si la plupart moins connus qu’en Coutures premières à quelques éclatantes exceptions près (Nietzsche, actualisant le baudelairien aristocratique plaisir & privilège de déplaire – “élitiste, disent-ils ; élitaire dit-il ; et, eh ! devenir mauvaise conscience de son époque, une gageure, car l’époque est, d’office, fermée, aux poètes” –), les auteurs seconds, dis-je, ceux qui secondent de minutes premières le procès séculaire, appellent déjà un tiers livre de quart rab&lais(s)ien. »
Christophe Stolowicki, Libr-critique, 31 août 2018« Lire Jean-Pascal Dubost, c’est accepter d’être désarçonné, jeté à bas de la phrase soudain devenue rétive, ruant, se cabrant, renâclant, naseaux écumants, ne laissant aucun répit, ni à son cabalistique cavalier du val sans retour, ni aux lecteurs que nous sommes. C’est que, dans ce nouveau livre, & Leçons & Coutures II, le chemin est semé d’embûches, de traquenards, de contraintes, à commencer par la forme imposée dès le départ : 99 poèmes en prose appelés “prochains” – chacun obligatoirement composé de 9 lignes (neuvain) –, dédiés à la célébration du même nombre d’écrivains que l’auteur considère comme majeurs, tels Verheggen, Hausmann, Bukowski, Abeille, Josse, Sénac, Artaud, Gracq, Perros, Luca, Novarina, pour n’en citer que quelques-uns. Le titre lui-même, & Leçons & Coutures, est des plus évocateurs et, à défaut de clef, il constitue un fragile fil d’Ariane pour s’orienter dans le dédale, en forêt de langue obscure. “Leçon” est en effet phonétiquement très parlant : c’est le son, et il implique l’action de réciter, de dire oralement. Le côté oratoire est donc primordial chez ce poète, même si les aspects visuels ne manquent pas, ne serait-ce que par l’utilisation de l’esperluette italique (&) et l’orthographe de certains mots. […]
L’oratoire est le laboratoire du langage et, pour Dubost, l’écriture est un labeur, illuminé certes, mais un labeur. C’est là qu’il officie, travaille patiemment, opiniâtrement, la matière des mots. Comment procède-t-il ? Comme l’indique, la deuxième partie du titre, il coud, il coud même avec “le hic de la syntaxe”. Mais il doit auparavant rassembler des mots qu’il recueille à toutes les sources, dictionnaires de vieux français et dialectes ou glossaires, vocables étrangers, expressions et citations d’écrivains, qu’il peut restituer tels quels, mais qu’il préfère le plus souvent découper, modifier, torturer, détourner, dévoyer, réinventer, avec une joie iconoclaste manifeste et très communicative, sans se soucier de citer l’auteur de tel ou tel extrait. […]
Jean-Pascal Dubost parle avec ses mots, mais il parle aussi avec son corps, ces nœuds de nerfs et ces tensions de muscles et d’organes que l’on entend dans sa langue et viennent s’y libérer. Aucune concession au lecteur : il entre ou il passe son chemin. Après tout c’est son problème. »
Alain Roussel, Europe, janvier-février 2019« Ayant suivi le travail de Jean-Pascal Dubost depuis ses premières publications et dès sa première lecture publique, ouvrir ce second tome de & leçons & coutures était retrouvailles. De fait, comme dans le précédent, on voyage en littérature à travers des constructions et jeux multiples, en référence à des auteurs variés comme l’inusable Hugo, la regrettée Collobert, les sémiologues et linguistes distingués que sont Barthes, Bakhtine, ou Greimas. Enfin, à l’instar de Novarina ou Rabelais, auxquels il renvoie, Jean-Pascal Dubost dans une manducation jouissive goûte de la langue tous les états, les parfums, les transformations.
À commencer par Dubost, lui-même, rien de raide ni de compassé dans ces rencontres. Pour les auteurs, ainsi que pour les lecteurs à venir, que le scribe, ouïssant en Brocéliande, a convié ces leçons et coutures sont fête de la littérature : une fête pour l’esprit où les amateurs de mots sont rois joyeux, ludiques et complices.
Fête de l’esprit car s’il est toujours soucieux de travailler sur et au cœur de la langue, Jean-Pascal Dubost brise les formes, les desserre, les fluidifie. Déplacées par petites touches, légères, les contraintes grammaticales deviennent sources d’un autre langage propre à l’auteur et riche d’autres contraintes assumées (99 poèmes de 9 lignes, par exemple) qui lui sont propres. Il y a là sur le mouvement d’un texte, sur sa grammaire, revue et titillée, un travail formel, ciselé, qui fait de ces petits textes de purs joyaux d’orfèvrerie littéraire. […] »
Christian Vogels, Poezibao, 27 juin 2019« D-/R‑estituer. (Re)Transcrire, écrire sur et parfois dans, le plus subjectivement possible, les textes qui l’ont marqué : tel est l’objet qui constitue, dans le fond(s) comme dans la forme, ce Grand Livre de Dettes de Jean-Pascal Dubost, “crypto-punk-poète-hack’ sauvage & capteur d’énergie, fabrier & pilleur & citeur obligé & brifaud lexicolâtre, exagérateur & fauteur de langue” dans le style et précis et précieux, riche et composite, complexe et lapidaire mêlant langues vernaculaires, ancien français, latin, anglais, onomatopées, symboles, folles étymologies et autres Fantasqueries auquel le poète nous a habitués et auquel il n’a de cesse de donner feu et air, matière et souffle. […]
Une anthologie de la taille d’une main, qui tient dans la poche et de la miniature – aux caractères d’argent ciselé sur couverture moirée, à l’esperluette enluminée, lettrine et blason à la fois, qui par-delà l’audace et de ses dehors altiers et de ses dedans emportés, s’achève humblement par un “Merci de m’avoir lu”. Un précis qui gagne à être complété par le volume I, sorti le 15 février 2012 qui in-/é-/con-voquait de même(s) manière(s) autant d’incontournables qu’Ovide, Kerouac, Ginsberg, Rimbaud, Lautréamont, Joyce, Cervantès, Woolf, Plath, Dickinson, Shakespeare, Michaux, Villon, ou qu’un (d)étonnant Molière et comportait, outre l’aphoristique et final “complexe Dubost (phrases lares)”, des annotations et une préface qui, déjà, (pro-)posait le plagiat et le détournement comme constitutifs – au même titre que la lecture – d’une littérature poétique autoéïdétique et manifeste. »
Éric Darsan, Recours au poème, 14 octobre 2019