& Leçons & Coutures II

Auteur
Jean-Pascal Dubost
Poésie
116 pages, 12 x 15 cm
Parution : mai 2018

Publié avec le soutien du Centre national du livre et de la région Bretagne

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 16,00

ISBN  978-2-917751-96-1 Catégorie 

Description

& Leçons & Coutures II est le deuxième volume du « Grand Livre de Dettes » que Jean-​Pascal Dubost a initié en 2012, publié par nos soins. « Inven­tion verbale perma­nente et délec­table, fabrique de mots qui tourne à plein régime… » (Florence Trocmé), « vrai festi­val de langue » (Antoine Emaz), « alliage tonique et singu­lier » (Bruno Fern), les éloges n’avaient pas manqué alors. De nouveau consti­tué de 99 poèmes en prose (« prosains »), chacun consa­cré à un auteur, mais cette fois-​ci eux-​mêmes consti­tués de 9 lignes (« neuvains »), et un titre-​poème inau­gu­ral de la longueur d’un tweet, à savoir 140 mots (pour signes)… Si Jean-​Pascal Dubost aime les contraintes, c’est pour se sentir plus libre, évidem­ment… c’est qu’elles ne sont que prétexte à faire langue, à faire corps avec la langue, en grande jubi­la­tion. En tant que lecteur, et en tant qu’auteur.
Derrière l’étendue de la culture livresque, aussi bien histo­rique que géogra­phique, des anciens aux modernes, des linguistes ou sémio­logues aux poètes les plus contem­po­rains en passant par les figures tuté­laires, c’est l’amour de la langue qui jaillit dans sa liberté, son inter­ro­ga­tion du monde et de notre rapport au monde tel qu’il nous situe, et nous déplace… l’amour des « mots-​vivants », qui font « Libé­ra­ture par tous les moyens ». Prédi­lec­tion donc pour les insur­gés et anar­chistes, les sati­riques, baroques et jouis­seurs de toutes les époques, bref, pour l’énergie flam­boyante d’un Jean Sénac comme d’un Juvé­nal, d’un Vergheg­gen comme d’un Artaud, d’un Victor Hugo comme d’un Ghéra­sim Luca…
Mais ces poèmes, loin, très loin du pastiche que l’on pour­rait attendre dans ce type d’exercice, sont ceux d’un « poète-​punk-​hack » qui « pirate et pique et puis trafique et bricole et chiffre ce qu’il a pique-​piraté, lance des trolls farceurs dans la langue que nul péquin quasi ne pane pour brouiller les pistes… » (et c’est à l’entrée Mallarmé…) ; d’un poète écri­vant sur mais avec chacun des auteurs cités, mêlant les allu­sions plus ou moins cryp­tées à ces figures comme à soi-​même, en un « échange quasi orga­nique » comme l’avait si bien relevé Florence Trocmé pour le premier volume… Et dans une liberté sidé­rante : passant, pour Charles Rezni­koff, de la repro­duc­tion verba­tim (et dans la graphie d’époque) d’un extrait de l’ordonnance de Villers-​Cotterêts (1539) à un poème grivois pour Bukowski (« Ah ! les premières amours en cru dans le texte où le cul cruel est cul sec et n’a cure du roman du cuers de l’amour espris ») — où l’on voit au passage, dans ces deux exemples, l’amour de Jean-​Pascal Dubost pour l’histoire de la langue et de la litté­ra­ture, avec penchants pour le médié­val et le baroque. Et cher­chant, toujours et encore, que « le poème soit une rafale de mots, et un acte utile au combat, et utile comme la pluie, et une arme d’assaut […], et une arme de persua­sion subli­mi­nale, car la poésie, hé, bien visée, ça peut faire mal – ». À force de rire, aussi !

Notes de lecture

« Par rapport au tome 1, paru aux mêmes éditions en 2012, le dispo­si­tif est forte­ment allégé dans la mesure où les poèmes sont ici donnés nus, sans accom­pa­gne­ment de notes, gloses et péri­phé­ries diverses. Mais le prin­cipe reste le même : en titre, un nom d’auteur, suivi d’un poème bref d’un seul souffle, “selon la stimu­lante contrainte du neuvain en prose” (p. 3 ; cf. l’Antho­lo­gie perma­nente de Poezi­bao, 28/05/2018). L’objectif aussi reste iden­tique : consti­tuer un “homma­gier”, entre biblio­thèque idéale et panthéon person­nel, “Grand Livre de Dettes”. Avec les 99 écri­vains ici présents, auxquels il faut ajou­ter ceux et celles du tome 1, nul doute que Jean-​Pascal Dubost, comme tout poète, soit très endetté. On n’écrit pas à partir de rien, on recon­naît seule­ment ses dettes, ou non. Ajou­tons que la multi­pli­cité et la diver­sité des auteur(e)s dans le temps, l’espace, la noto­riété, le genre litté­raire (même si les poètes prédo­minent), ainsi que l’uniformité de trai­te­ment et l’absence de clas­se­ment dans le livre inter­dit de privi­lé­gier tel ou telle. La dette s’annule dans la profu­sion, en quelque sorte, et il ne reste que l’écriture propre à Jean-​Pascal Dubost, qui salue au passage, sans marquer d’insistance parti­cu­lière, toutes et chacune de ces œuvres. À la lecture des sommaires des tomes 1 et 2, le lecteur peut néan­moins distin­guer des pôles : améri­cains XXe, poésie fran­çaise moyen-​âge et XVIe, XXe fran­çais, poésie contem­po­raine… Mais Dubost ne partage pas ce souci de regrou­pe­ment ou de déli­mi­ta­tion de zones d’influence, il propose plutôt une circu­la­tion à travers une biblio­thèque sans cata­logue raisonné ; toutes ces œuvres existent en même temps et nour­rissent (ou ont nourri) la sienne. En ce sens, elles sont égales et ont toutes droit de cité (et d’être citées) dans ce qui est moins un musée que l’état présent d’une culture litté­raire vivante, celle de l’auteur.
Chaque neuvain est parti­cu­lier, chan­tourné singu­liè­re­ment en fonc­tion de l’auteur évoqué, mais on distingue tout de même à la longue une méthode : d’une part, une prise synthé­tique sur l’œuvre ou un aspect de cette œuvre qui est celui qui a compté (le plus ?) pour Dubost, ce qui fait qu’il retient ou est retenu par l’écrivain en ques­tion. Puis, à partir de là, une brode­rie disons lyrique, souvent énumé­ra­tive, toujours joueuse, tour­nis de langages qui entre­choquent sons et sens produi­sant de la vitesse et quelque chose comme une musique hété­ro­clite autant que maîtri­sée dans son flux bague­nau­dant sans se perdre jusqu’au tiret final. À peu près ça. Il y a donc du jeu, mais pas seule­ment, il y a aussi une vraie justesse dans la prise première, person­nelle et globale à la fois, embras­sant l’œuvre. […]
Le dernier poème du livre est consa­cré à Paul Valéry, et ce n’est sans doute pas un hasard, tout comme le premier évoquait Bernard Collin dont la contrainte “22 chaque jour” entre en écho avec celle des 9 lignes de prose par auteur que s’impose Dubost. De fait, pour Valéry, il y a bien dans le poème dubos­tien ici “une fête de l’intellect”, mais il faudrait ajou­ter illico qu’il y a autant travail et débauche, jeu et plai­sir et jouis­sance de s’ébattre “dans le grand bazar souk souk de la langue tous azimuts” (p. 47). »
Antoine Emaz, Poezi­bao, 15 juin 2018

« C’est son Grand Livre de Dettes. Jean-​Pascal Dubost l’alimente régu­liè­re­ment, comme il le ferait d’un feu qu’il faut entre­te­nir pour garder les braises vives et la chaleur ardente. Un premier volume avait déjà vu le jour en 2012. Voici le second, dédié, comme le précé­dent, à quelques uns de ceux, poètes et écri­vains, qui ont compté, et comptent toujours, pour lui. Menant “vie hermi­taine à Saint Barthé­lémy”, en Brocé­liande, il les lit assi­dû­ment et peut aisé­ment sortir de leurs textes et les faire entrer dans les siens.
Ils sont 99. Ne tiennent pas en place. S’échappent souvent de sa biblio­thèque. Viennent d’horizons diffé­rents. On y croise Andrea Zanzotto, Gregory Corso, Denise Lever­tov, Charles Olson mais aussi Jean Sénac, André du Bouchet, Valère Nova­rina ou Jean Tortel. Ils ont vécu dans des époques loin­taines (Pernette du Guillet, Chris­tine de Pizan, Guillaume de Machaut), ou plus proches, au dix-​neuvième ou au ving­tième siècle (Hugo, Artaud, Gracq, Perros, Tzara) et certains, gardant bon pied, bon œil, (Roger Lahu, Lambert Schlech­ter, Ariane Drey­fus, Domi­nique Poncet et bien d’autres) sont toujours de ce monde.
Chacun / chacune est évoqué dans un texte bref : un neuvain en prose se termi­nant par un tiret. Ces poèmes sont amples et ramas­sés. Nerveux et pleins de trou­vailles, ils sont riches d’une substance parti­cu­lière, d’une matière extrê­me­ment travaillée où appa­raissent, çà et là, quelques détails précis et traits essen­tiels touchant aux écrits de l’auteur choisi.
Pour ce faire, cet insa­tiable lecteur butine, triture, frotte, mani­pule, emboîte, enchâsse les mots. Il solli­cite égale­ment son corps, y puise une belle éner­gie qui s’ajoute à celle qui provient de ce souffle continu, presque hale­tant, qu’il maîtrise à la perfec­tion et qui permet à sa phrase de se main­te­nir constam­ment sur la crête des vagues Il adapte son lexique en fonc­tion du poète nommé, va volon­tiers s’approvisionner en vieux fran­çais, y bouture des pépites venues d’autres langues, y “lance des trolls farceurs”, se montre facé­tieux, donne joyeu­se­ment de ses nouvelles, invente, joue avec les sons et les sens, stimulé par la contrainte qu’il s’impose et subju­gué par la fougue du rythme qui, chez lui, ne faiblit jamais. »
Jacques Josse, Remue​.net, 20 juin 2018

« La langue de Jean-​Pascal Dubost est forte­ment mâti­née d’ancien fran­çais, tant dans son lexique que dans sa graphie (“griphé en grafie réjouis­sante”), mais pas seule­ment : tous les idiomes y concourent, des patois régio­naux aux parlers popu­laires d’aujourd’hui – n’y manque peut-​être que le voca­bu­laire scien­ti­fique –, sans comp­ter les néolo­gismes, nombreux et souvent savou­reux. L’auteur est un lexi­co­lâtre et un logo­phile ; son esthé­tique est proche de celle de Rabe­lais ; il joue sur l’excès, l’accumulation, la distor­sion, les alli­té­ra­tions, jongle­ries, excla­ma­tions, etc. – tout ce qui fait que les mots ryth­mi­que­ment insi­nués dans l’oreille provoquent un plai­sir quasi char­nel. Y concourent, pour le plai­sir de l’esprit, proverbes et expres­sions détour­nés (le feu de dieu, à propos d’Artaud) et les jeux de mots – quitte à les emprun­ter à un autre, si l’emportement de l’écriture le réclame : “il faudrait inven­ter quelque nouveau langage qui n’langage que soi” (à propos de… Théo­phile de Viau).
Chaque poème est fait d’une phrase unique, ponc­tuée, d’une gram­maire souvent malme­née jusqu’à la faute et au style télé­graf. On pense à ces dragons qui s’enroulent spas­mo­di­que­ment sur eux-​mêmes en formant de multiples anneaux, si bien que, malgré la briè­veté de ces textes, il arrive qu’on en perde le fil. L’auteur aussi, semble-​t-​il, qui court avec jouis­sance vers la neuvième ligne où, que le sens se soit ou non formé, tombe le coupe­ret du quadra­tin final. Poèmes que l’on ne comprend parfois que par flam­bées, sans en être tota­le­ment éclairé, mais assez pour en être échauffé ; et qui parfois, au contraire, se donnent de façon presque fluide. […]
Il est des recueils dont rendre compte est une péni­tence car, malgré leur origi­na­lité, leur inté­rêt ou leur beauté, ils échappent à la saisie critique. Celui-​ci, c’est plutôt le contraire. Il faut se réfré­ner, tant la matière vous solli­cite. Sainte-​Beuve défi­nis­sait ainsi l’écriture de Jean-​Baptiste Rous­seau : baroque, méta­phy­sique, sophis­ti­quée, sèche, inex­tri­cable… Cela va comme un gant à Jean-​Pascal Dubost, sous réserve d’ajouter : bouf­fonne, force­née, profuse, biscor­nue, espiègle, éper­due, excentrique… »
Gérard Cartier, « Le “8½” de Dubost », Terre de femmes, juillet 2018

À lire, une longue étude de Pierre Vinclair s’attachant en paral­lèle au diptyque des Leçons, I et II, et à un trip­tyque de Domi­nique Quélen, dont voici quelques extraits mais à laquelle nous renvoyons pour une lecture intégrale.
« À l’intérieur des neuvains en prose de Dubost circule égale­ment une belle éner­gie, qui est à la fois pompée chez les auteurs célé­brés, et renvoyée en guise d’hommage. Chaque poème appa­raît comme un petit autel fait de bran­chettes, offert à l’arbre d’où elles auraient été arra­chées (parfois, soute­nues par des branches venues d’autres arbres). Le “clair baiser de feu” (comme disait l’autre) de la lecture, déva­lant la page, embrase le tout. […]
Ce qui me semble plus impor­tant, en l’occurrence, c’est la force avec laquelle un projet vient se fracas­ser sur la langue pour y lais­ser une empreinte. Je faisais mention plus haut d’une éner­gie qui traver­sait la prose des deux auteurs : voilà, me semble-​t-​il, ce qui compte. Je dirais volon­tiers que cette éner­gie est la mani­fes­ta­tion textuelle d’un projet exis­ten­tiel, la manière dont une vie vient frap­per le langage pour le tordre à son but. […]
On pour­rait dire que je parle tout simple­ment de “style” ici ; mais on risque­rait alors de croire qu’il s’agit d’une ques­tion de virtuo­sité, ou d’une propriété de la langue (comme lorsque Dubost écrit “j’écris en langue dubost”, LC I, p. 12) — ce que je ne crois pas : il n’y a pas de langue dubost ou, si cela signi­fie un ensemble de proprié­tés recon­nais­sables, elle ne vaut guère que comme déco­ra­tion. Pour­quoi Perros ou Artaud sont-​ils recon­nais­sables, dans leurs textes ? Non pas parce qu’ils fignolent les signes exté­rieurs de leur petite entre­prise textuelle : ils ne se comportent pas comme des marques. C’est plutôt qu’ils sont de part en part animés par une éner­gie, laquelle répond au projet de faire quelque chose avec le langage. En cela, j’aurais tendance à penser qu’aucune grande œuvre (même illi­sible) n’est intran­si­tive, car elles sont grandes, préci­sé­ment, d’avoir cher­ché autre chose que l’œuvre : il ne s’agit pas, pour ces auteurs, de faire du marke­ting en donnant à des textes une allure corres­pon­dant à quoi le signa­taire nous avait habi­tués. Il s’agit plutôt de saisir cette grande chose étrange qu’est le langage, et de le tordre dans tous les direc­tions jusqu’à le plier à un projet immense. Les plis que le langage a pris, loin d’avoir été cher­chés pour eux-​mêmes, auront été impo­sés par la nature du projet.
Quels grands projets auront donné leurs plis aux textes de Dubost et Quélen ? Celui qui anime la série Et leçons et coutures est le plus simple à saisir, tant il est expli­cite et conscient : c’est un projet qu’on pour­rait quali­fier de reli­gieux, dans la mesure où il s’agit d’utiliser la langue comme un moyen de commu­nion. Comme dans beau­coup de reli­gions, la commu­nion trouve ici son ciment dans un hommage rendu aux anciens, et (comme par exemple dans la Chine archaïque) les anciens ont pour propriété essen­tielle d’avoir été à l’origine des pratiques grâce auxquelles on leur rend hommage. En cela, le travail de Dubost s’inscrit dans l’un des projets de la moder­nité poétique les plus iden­ti­fiables, depuis les gloses de Mallarmé sur le catho­li­cisme : la recon­quête après la mort de Dieu du rite par la litté­ra­ture, ou la commu­nion dans le partage du corps sensible de la langue. »
Pierre Vinclair, « Des projets en prose », Catas­trophes, 13 septembre 2018

« Voilà plusieurs années que Jean-​Pascal Dubost a entamé un travail d’hommage aux écri­vains qu’il chérit et qui composent sa biblio­thèque. Le poète de Brocé­liande (il y orga­nise un festi­val) a même inventé une forme pour cela, court texte d’une phrase qui se termine à chaque fois par un tiret.
Le deuxième volume réunis­sant ces textes comprend 99 poèmes de 9 vers chacun. Ils mélangent les voca­bu­laires (celui de l’ancien fran­çais inclus) et les époques : les écri­vains hono­rés sont très variés, des plus connus (Kafka, Orwell, Mallarmé) aux plus oubliés (Héli­senne de Crenne). »
Guillaume Leca­plain, « Le poème du lundi », Libé­ra­tion, 24 septembre 2018

« […] ne boudons pas notre bonheur de lecture du pandé­mo­nium second (comme vent favo­rable) en regard ou contre­point de fugue du panthéon premier. Ici une croche tient parfois lieu d’esperluette et les auteurs d’appoint nommé, de point perlé, à point recuits de légende, si la plupart moins connus qu’en Coutures premières à quelques écla­tantes excep­tions près (Nietzsche, actua­li­sant le baude­lai­rien aris­to­cra­tique plai­sir & privi­lège de déplaire – “élitiste, disent-​ils ; élitaire dit-​il ; et, eh ! deve­nir mauvaise conscience de son époque, une gageure, car l’époque est, d’office, fermée, aux poètes” –), les auteurs seconds, dis-​je, ceux qui secondent de minutes premières le procès sécu­laire, appellent déjà un tiers livre de quart rab&lais(s)ien. »
Chris­tophe Stolo­wi­cki, Libr-​critique, 31 août 2018

« Lire Jean-​Pascal Dubost, c’est accep­ter d’être désar­çonné, jeté à bas de la phrase soudain deve­nue rétive, ruant, se cabrant, renâ­clant, naseaux écumants, ne lais­sant aucun répit, ni à son caba­lis­tique cava­lier du val sans retour, ni aux lecteurs que nous sommes. C’est que, dans ce nouveau livre, & Leçons & Coutures II, le chemin est semé d’embûches, de traque­nards, de contraintes, à commen­cer par la forme impo­sée dès le départ : 99 poèmes en prose appe­lés “prochains” – chacun obli­ga­toi­re­ment composé de 9 lignes (neuvain) –, dédiés à la célé­bra­tion du même nombre d’écrivains que l’auteur consi­dère comme majeurs, tels Verheg­gen, Haus­mann, Bukowski, Abeille, Josse, Sénac, Artaud, Gracq, Perros, Luca, Nova­rina, pour n’en citer que quelques-​uns. Le titre lui-​même, & Leçons & Coutures, est des plus évoca­teurs et, à défaut de clef, il consti­tue un fragile fil d’Ariane pour s’orienter dans le dédale, en forêt de langue obscure. “Leçon” est en effet phoné­ti­que­ment très parlant : c’est le son, et il implique l’action de réci­ter, de dire orale­ment. Le côté oratoire est donc primor­dial chez ce poète, même si les aspects visuels ne manquent pas, ne serait-​ce que par l’utilisation de l’esperluette italique (&) et l’orthographe de certains mots. […]
L’oratoire est le labo­ra­toire du langage et, pour Dubost, l’écriture est un labeur, illu­miné certes, mais un labeur. C’est là qu’il offi­cie, travaille patiem­ment, opiniâ­tre­ment, la matière des mots. Comment procède-​t-​il ? Comme l’indique, la deuxième partie du titre, il coud, il coud même avec “le hic de la syntaxe”. Mais il doit aupa­ra­vant rassem­bler des mots qu’il recueille à toutes les sources, diction­naires de vieux fran­çais et dialectes ou glos­saires, vocables étran­gers, expres­sions et cita­tions d’écrivains, qu’il peut resti­tuer tels quels, mais qu’il préfère le plus souvent décou­per, modi­fier, tortu­rer, détour­ner, dévoyer, réin­ven­ter, avec une joie icono­claste mani­feste et très commu­ni­ca­tive, sans se soucier de citer l’auteur de tel ou tel extrait. […]
Jean-​Pascal Dubost parle avec ses mots, mais il parle aussi avec son corps, ces nœuds de nerfs et ces tensions de muscles et d’organes que l’on entend dans sa langue et viennent s’y libé­rer. Aucune conces­sion au lecteur : il entre ou il passe son chemin. Après tout c’est son problème. »
Alain Rous­sel, Europe, janvier-​février 2019

« Ayant suivi le travail de Jean-​Pascal Dubost depuis ses premières publi­ca­tions et dès sa première lecture publique, ouvrir ce second tome de & leçons & coutures était retrou­vailles. De fait, comme dans le précé­dent, on voyage en litté­ra­ture à travers des construc­tions et jeux multiples, en réfé­rence à des auteurs variés comme l’inu­sable Hugo, la regret­tée Collo­bert, les sémio­logues et linguistes distin­gués que sont Barthes, Bakh­tine, ou Grei­mas. Enfin, à l’ins­tar de Nova­rina ou Rabe­lais, auxquels il renvoie, Jean-​Pascal Dubost dans une mandu­ca­tion jouis­sive goûte de la langue tous les états, les parfums, les transformations.
À commen­cer par Dubost, lui-​même, rien de raide ni de compassé dans ces rencontres. Pour les auteurs, ainsi que pour les lecteurs à venir, que le scribe, ouïs­sant en Brocé­liande, a convié ces leçons et coutures sont fête de la litté­ra­ture : une fête pour l’es­prit où les amateurs de mots sont rois joyeux, ludiques et complices.
Fête de l’es­prit car s’il est toujours soucieux de travailler sur et au cœur de la langue, Jean-​Pascal Dubost brise les formes, les desserre, les flui­di­fie. Dépla­cées par petites touches, légères, les contraintes gram­ma­ti­cales deviennent sources d’un autre langage propre à l’au­teur et riche d’autres contraintes assu­mées (99 poèmes de 9 lignes, par exemple) qui lui sont propres. Il y a là sur le mouve­ment d’un texte, sur sa gram­maire, revue et titillée, un travail formel, ciselé, qui fait de ces petits textes de purs joyaux d’or­fè­vre­rie littéraire. […] »
Chris­tian Vogels, Poezi­bao, 27 juin 2019

« D-​/​R‑estituer. (Re)Transcrire, écrire sur et parfois dans, le plus subjec­ti­ve­ment possible, les textes qui l’ont marqué : tel est l’objet qui consti­tue, dans le fond(s) comme dans la forme, ce Grand Livre de Dettes de Jean-​Pascal Dubost, “crypto-​punk-​poète-​hack’ sauvage & capteur d’énergie, fabrier & pilleur & citeur obligé & brifaud lexi­co­lâtre, exagé­ra­teur & fauteur de langue” dans le style et précis et précieux, riche et compo­site, complexe et lapi­daire mêlant langues verna­cu­laires, ancien fran­çais, latin, anglais, onoma­to­pées, symboles, folles étymo­lo­gies et autres Fantas­que­ries auquel le poète nous a habi­tués et auquel il n’a de cesse de donner feu et air, matière et souffle. […]
Une antho­lo­gie de la taille d’une main, qui tient dans la poche et de la minia­ture – aux carac­tères d’argent ciselé sur couver­ture moirée, à l’esperluette enlu­mi­née, lettrine et blason à la fois, qui par-​delà l’audace et de ses dehors altiers et de ses dedans empor­tés, s’achève humble­ment par un “Merci de m’avoir lu”. Un précis qui gagne à être complété par le volume I, sorti le 15 février 2012 qui in-​/​é-​/​con-​voquait de même(s) manière(s) autant d’incontournables qu’Ovide, Kerouac, Gins­berg, Rimbaud, Lautréa­mont, Joyce, Cervan­tès, Woolf, Plath, Dickin­son, Shakes­peare, Michaux, Villon, ou qu’un (d)étonnant Molière et compor­tait, outre l’aphoristique et final “complexe Dubost (phrases lares)”, des anno­ta­tions et une préface qui, déjà, (pro-)posait le plagiat et le détour­ne­ment comme consti­tu­tifs – au même titre que la lecture – d’une litté­ra­ture poétique autoéï­dé­tique et manifeste. »
Éric Darsan, Recours au poème, 14 octobre 2019