Les carnets du chorégraphe

Auteure
Maryvonne Coat
Poésie
62 pages, 12 x 15 cm
Parution : mai 2018

Publié avec le soutien du Centre national du livre et de la région Bretagne

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 13,00

UGS : 978-2-917751-97-8 Catégorie :

Description

« si mes mots peuvent dire les mouve­ments » serait le fili­grane de ces Carnets du choré­graphe, s’ouvrant en « juillet 63 » et se fermant en « juin à pas menus », une année donc à priori, n’était l’entrée « cette fois février d’une autre année – avant après – peut-​être » qui laisse entendre un temps élas­tique, assez indé­ter­miné. Les dates d’ailleurs sont indé­cises, portant davan­tage sur des moments, des sensa­tions : « décembre à vif », un matin, « jour / nuit de veille », un mois de février s’étirant : « février-​février », « février d’éternité », « février d’hiver », « sombre février », « février entêté », « février quitté » enfin (« février puis mars »).
Un homme pose des mots, des nota­tions, sur la choré­gra­phie qu’il est en train de monter avec trois danseurs, Maïté, Paola et Phil. Ceci pour un semblant de fil narra­tif, car par ailleurs nous sommes très loin d’un récit ou d’un jour­nal. Le choré­graphe consigne ses doutes, ses recherches et, comme dans la salle de danse, les mots se déploient dans l’espace de la page, cherchent non pas à montrer la danse mais à l’incarner. Écla­tés, tendus comme les danseurs menés par le choré­graphe intran­si­geant, qui travaille à ce qu’ils aillent vers les « chemins de travers aux angles morts / cassés », vers « ce qui de moi s’ignore se replie », « le moment du vertige en lieu et place de / la brisure », « le point ou ne pas succombe », à ce qu’ils « puise[nt] / là où / la buée ».
Un au-​delà des corps, d’eux-mêmes, de lui-​même. Se creuse l’intime en même temps que les pas, les mouve­ments, Maïté, son amante, ne l’a‑t-elle pas quitté (qui, elle « trou­vait ses trem­ble­ments loin / derrière »), Paola et Phil ne seraient-​ils pas à leur tour l’image de ce couple, dédou­blé, et pris dans le cercle ? « Qu’ils supportent les mouve­ments dislo­qués / pas les leurs / les miens // avec l’enchevêtrement des mots // les inter­valles de vide / le pas à pas ». Peu importe, puisque « le temps de la valse est la clep­sydre », qu’on ne peut « ignore[r] les pous­sières qui n’attendent que / le silence pour retom­ber » et que restent « les coins encore eux / j’avais beau défaire les tissus / les insuf­fler // rien ne quitte un coin ».
Ce premier livre réus­sit avec force et justesse à dire, derrière le corps « tech­nique » du danseur, le corps à corps de chacun dans la vie. Les mots, « virgule de pas emboî­tés », tremblent, ondulent, s’entrechoquent, pulsa­tions de l’être, « pont suspendu corps paysage indéterminé ».

Notes de lecture

« Comment arti­cu­ler l’écriture poétique et la danse post­moderne ? Mary­vonne Coat (née en 1967) répond en choré­graphe ; elle sait chas­ser les mots pour suivre les mouve­ments dislo­qués des corps enche­vê­trés et rendre lisible le pas risqué dans les arcanes du vide. »
Didier Cahen, « Trans/​Poésie. Forcing », Le Monde des livres, 18 octobre 2018

« Un curieux texte, une mise en page aérée qui peut figu­rer les petits bras frêles des danseurs, leurs longues jambes, entre­chats et autres gambades… et les notes prises ça et là dans une chro­no­lo­gie parfois audacieuse.
Les danseurs : “pointe ouverte décolle hanche 3−4−5”, “répé­ter répé­ter répé­ter scan­der et 3 et 4 et 5”, “et 3 et 4 et tchac” on aper­çoit le travail des corps :
“j’ai violenté les muscles/​les arti­cu­la­tions je les veux sèches/​reprendre le tracé des colonnes de Phil/​mode­ler le domaine d’approche/ fauve tapi flou”
Ainsi, ils se dessinent ces corps, mais l’ensemble se montre alors plus ambi­tieux. Ces images se font doubler par la pensée du “choré­graphe” : “Maïté me manque”
“est-​ce que Maïté dormait encore quand/​je nouais mes membres aux astres”.
L’adresse perpé­tuelle à Maïté nous fait douter, est-​elle de chair et de muscles sur scène ?
Les mouve­ments de cette danse, son rythme, ses douleurs ne sont-​ils pas le simu­lacre d’un amour perdu ? Les danseurs comme des marion­nettes jouant leur vie qui est aussi un peu la nôtre…
Une écri­ture bien étrange à découvrir… »
Clara Regy, Terre à ciel, novembre 2018