Description
Pour Carole Darricarrère, l’anecdote est un prétexte pour parvenir au mystère de la langue (le « Poème ») comme au mystère de la vie, de l’amour, du surgissement et de l’effacement de toute chose. Elle n’a de cesse de desserrer les mailles de ce qui la lie encore à une écriture formelle soutenue par une histoire : elle s’offre, et nous offre, une expérience de la dérive, seule à même de nous rendre « l’apparition » contre « l’apparence » : « L’apparition. Le surgissement. La volupté. Et puis. L’apparence. L’écho. » Ce « vagabondage » est aussi seul capable de parvenir à l’essentiel : « l’objet, l’histoire, ont des bords ; le sujet n’en a pas », dit-elle.
« À travers ces jeux d’échos entre désirs et illusions, entre voix et voies qui se cherchent et se répondent, Carole Darricarrère réaffirme son refus de la clôture et montre combien écrire, c’est habiter l’écart, vivre dans le déséquilibre, arpenter un espace de sursis et d’errance », écrivait déjà Richard Blin (Le Matricule des anges, n° 59, 2005), à propos du (Je) de Lena.
Carole Darricarrère invite en effet le lecteur à entrer dans son livre par n’importe quelle page, il y trouvera, sans doute, plus sûrement son chemin. Il peut aussi choisir de commencer par le commencement, mais alors il s’expose à ce qu’elle le balade, joue avec lui, pour mieux lui faire perdre la trace de « l’apparence » : « Les lettres que tu tisonnes sont semblables aux pièces d’un puzzle, assemblées, désassemblées, au gré du vent, disséminées, toujours sur le point d’être reconstitué. »
Quel que soit son parcours, le chemin qu’il a choisi, elle engage le lecteur à larguer les amarres, à « aérer la vision calcifiée qu’il a du réel », à être comme « un trait de neige » qui « à lui seul, efface la pente des murs ». Et comme toujours chez elle, le sujet est au cœur / au corps de ce réel : « Un corps traverse la page. / Fruits terres essences, mêlés. / Mêmement archivés sous le grain de la peau. / À même l’ombre. / Nuit. »
Notes de lecture
« Une parole d’aube dont le champ – et le chant – de forces en turbulence séduit, apaise, aiguise, épouse l’impolitesse radicale du désir et donne envie de robinsonner. »
Richard Blin, Le Matricule des anges, février 2010« Darricarrère n’avance pas sur des chemins battus. Et si elle prend racine dans les cinq sens – l’odorat, en particulier –, elle permute aussi bien leurs rôles : “Tout ce que tu vois, tu le vois avec les mains.” »
Françoise Hán, Les Lettres françaises, 6 février 2010