Des disparitions avec vent et lampe

Auteure
Fanny Garin
Poésie
96 pages, 12 x 15 cm
Parution : avril 2019

Publié avec le soutien de la région Bretagne

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 15,00

UGS : 978-2-490385-01-0 Catégorie :

Description

Des dispa­ri­tions avec vent et lampe se compose de trois parties nées d’un même lieu : une chambre, « chambre vide et réelle », mais aussi « lieu des drames » et « chambre de morte », à partir de laquelle va adve­nir la langue…
De la mort ou du drame, rien ne sera réel­le­ment dit, que ces dispa­ri­tions et appa­ri­tions d’images dans et hors de la chambre. À l’intérieur, sont l’amour, le corps morcelé, la peau, les mots, la folie… et la lampe, figure centrale, « présence corpo­relle », « lampe drame de la chambre ». À l’extérieur, sont la pluie, la mer, les feuilles, la forêt, l’herbe et le vent, le vent partout, toujours le vent.
Émaillé d’adresses au lecteur – « comprenez-​vous », « voyez-​vous », « entendez-​vous », « je reprends » –, le poème se joue de multiples pronoms, se dérobe au je (comme une excuse), pour mieux y reve­nir : « et ce n’était pas moi, qui le disais », « de qui je parle // pas de moi ». Quant au recours précis aux italiques, peut-​il être inter­prété comme une inter­po­la­tion, à lire comme un second poème caché dans le ventre du poème-matrice ?
Par un jeu de répé­ti­tions des mêmes mots, dispo­sés et utili­sés de façon diffé­rente, l’auteure crée une langue mouvante, entê­tante, sans cesse détour­née, retour­née, évolu­tive comme une boucle en musique. Pour filer la méta­phore musi­cale, les trois mouve­ments du texte composent une parti­tion épurée qui reste cepen­dant mysté­rieuse, archi­tec­tu­rée par la rigueur de ses silences, formant souffle… « vous / vous souve­nez // le vent ».

Notes de lecture

« Après l’avoir publiée dans les anges de Terre à ciel, c’est un plai­sir de redé­cou­vrir Fanny Garin avec ces textes concis et percu­tants, qui suggèrent bien plus qu’ils ne dévoilent. S’ils le font, c’est par à‑coups et petites touches. Ainsi, dans des dispa­ri­tions avec vent et lampe, il est ques­tion de circons­tances, d’une chambre vide et on devine des drames. Car si “le corps / parle seul des images rete­nues”, cela se combine à une certaine complexité dans laquelle le lecteur se retrouve entraîné. La valse des pronoms entre­mêle le moi, le toi et le il. Et le lecteur se retrouve du même coup pris à partie “comprenez-​vous”.
Ainsi une chambre vide mais laquelle ? Une chambre à effa­cer ? À dispa­raître ? Et le vent et la lampe présents dès le titre du livre, que signifient-ils ?
Le vent efface, balaie. Entraîne les dispa­ri­tions. La lampe renvoie à la lumière, mais il s’agit d’une “lumière arti­fi­cielle” et donc laisse demeu­rer l’idée d’une possible disparition.
Cette chambre est-​elle celle de l’écriture, du silence, de la souf­france ou est-​ce une “chambre de morte” ? Ou une “chambre un peu vide secouée d’un peu de vent”.
Est-​ce une chambre où se joue le drame ou la folie ? Une chambre où la lampe joue un rôle entê­tant, et entre en oppo­si­tion avec le vent qui demeure au dehors. Le vent s’enroule à la langue, l’entraîne d’un bord à l’autre de la chambre (d’écriture ?), la fait évoluer et donne aux mots diffé­rents sens possibles.
J’ai lu ce livre lente­ment. Puis relu pour en saisir la mouvance de la voix de Fanny Garin. Voix où j’ai rencon­tré intrigue et inven­ti­vité. À suivre assurément. »
Cécile Guivarch, Terre à ciel, juillet 2019

« D’insolente syntaxe compres­sive perfu­sion­nelle (“sauf une lampe qui est vraie dit-​on cela // et sa couleur jaune qui s’étale et que quelqu’un éteint”), person­nages prin­ci­paux le vent (“avec le vent il pleut toujours cela efface”) et la lampe de peu de lampée, plutôt de simple récur­rence – dans ce premier (de petit format) trip­tyque plutôt que recueil, Fanny Garin, par ailleurs comé­dienne et drama­turge, “trace” la maîtrise d’une écri­ture concen­trant des effets de théâtre qui la gauchissent et l’arriment aux planches d’un lever de rideau. À cahots de chaos, des échanges de répliques se profilent dans l’innommé, le surli­gné. Pièce en trois actes dont le blanc serait le person­nage prin­ci­pal et les mots secon­daires, seconds d’aire et de “corps”. Pièce qui dépèce, rapièce et réin­vente où il vente sans répit la poésie. »
Chris­tophe Stolo­wi­cki, Libr-​critique, 25 septembre 2019

« Ce premier recueil de Fanny Garin, des dispa­ri­tions avec vent et lampe, est un livre qui trouble. Il est de ceux dont la voix vous reste long­temps après l’avoir enten­due, sans doute parce qu’elle est sensible au sens premier du terme, à savoir qu’elle vous ramène au plus près de sensa­tions, d’une percep­tion aiguë du monde. Égale­ment parce que ce recueil multi­plie les points de vue, les regards, les possibles, et qu’en semant cette confu­sion qui est le propre du langage incons­cient, il nous fait entre­voir un autre monde entiè­re­ment poétique où rien n’est ce qu’il paraît et où le sens se dérobe. Le regard est toujours tourné vers, s’il s’in­tros­pecte c’est dans un mouve­ment vers le dehors, pour faire entendre d’autres voix, faire voir d’autres lieux, saisir des frag­ments du monde plutôt que de soi.
Dans la première partie, toutes les parties du corps semblent se dévoi­ler ; c’est comme si la Fanny Garin montrait pour mieux faire dispa­raître ensuite, en intro­dui­sant des éléments étran­gers au sein des images. Ainsi, les poignets se recouvrent d’algues, la peau du ventre file et les cheveux sont des chevaux dans le cou. La langue se propose d’emblée surréa­liste, impré­vue. Se pose la ques­tion du récit poétique : quel endroit, quel événement-​fiction, quelles circons­tances. Le lieu est clos : des mots parviennent, des histoires d’ailleurs surgissent au gré d’une conscience-​inconscience, de l’in­cer­ti­tude d’un regard dessi­nant les contours d’êtres et de paysages, d’une chambre qui est peut-​être le lieu de l’écri­ture, celui où tout se rassemble. L’on finit par voir la chambre (sans doute une chambre de morte), défi­nie comme réelle, mais à la manière d’un tableau de Fran­cis Bacon où les objets se tordent et où le visage s’offre multiple et aucun à la fois. Objets autour desquels la fiction tente de se tisser. Cepen­dant quelque chose résiste, l’écriture est contra­riée, tente de dire sans savoir si c’est ça qu’elle veut dire.
Ainsi dans une parole précise, intime, dérou­tée, la poétesse inter­roge le réel en inter­ro­geant le langage, et dans ce double mouve­ment nous glis­sons dans les images : sur une chaise, à regar­der une lampe qui n’est pas un arbre, à rêver d’eau et de vent après la dispa­ri­tion d’un corps, à être au cœur du lieu des réso­nances, qui trans­forme non seule­ment le monde exté­rieur, mais aussi le monde intime. Et c’est à mon avis le vrai enjeu de la poésie de Fanny Garin. Et ce risque pris – car c’en est un – vous laisse avec un goût de vent sur la langue, et la sensa­tion d’avoir, un instant, regardé sous des paupières fermées. »
Julia Lepère, Poezi­bao, 7 octobre 2019