Description
Éric Sautou remémore dans Fleur brève un sentiment amoureux, de l’émotion de la rencontre au détachement, à l’indifférence, l’expression d’un aveu mélancolique. Le premier mouvement du texte est ainsi jalonné par les saisons, d’un hiver à l’autre, laissant place ensuite aux bribes d’un carnet (phrases comme jetées au hasard, apartés, déclarations). « Rien n’était changé sauf beaucoup de choses », cette citation de Bertolt Brecht placée en tête du poème par l’auteur, en donne le ton : tout de retenue et de silence, tissé d’« une infinie précaution ». C’est un visage qui ne sera bientôt qu’un profil. Ce sont des mots d’abord tus, puis prononcés (et écoutés), enfin écrits — mais « Je t’écris autre chose » —, une présence, une absence de peu de mots. « Ces mots ces simples mots », si pudiques, se révèlent dans l’émotion et le silence qu’ils parviennent à dire paradoxalement pour atteindre une forme d’universalité.
Marie Belorgey intervient avec cinq gravures — ou détails de gravures — dont une qui s’enroule autour du recueil, les autres apparaissant ponctuellement à certaines charnières du poème. Le travail de l’artiste passe par des grattements timides puis par des gestes plus brusques et irréguliers, en va-et-vient, ratures, percussions, griffures… — « par la décision de ne pas, au départ, trop désirer, mais d’ausculter ce qui arrive, les premiers traits, caresses ou marques plus profondes sur le métal de la plaque », que ce soit en eau-forte ou à la pointe sèche.
Certaines des gravures, comme celle de la couverture, sont reproduites sur papier pelure d’oignon ou de restauration, extrêmement fins et transparents, permettant une juxtaposition du texte et des images, les mêlant plus encore l’un aux autres, pour créer un nœud de possibles qui vient souligner la « poésie d’à peine voix [qui] qui nous mène dans un silence tellement bouleversé », pour citer Isabelle Baladine Howald à propos de l’écriture d’Éric Sautou (Poezibao, 2022). La sobriété du livre appelle au toucher avec la variation des papiers, de la finesse, sèche, de la pelure à la douceur du Johannot, sa texture de coton, sa blancheur, mêlée à la frêle transparence du papier restauration, le tout dans un écrin de Lana blanc.