Description
C’est après avoir trouvé dans la poubelle du vieil About, son père, une « enveloppe agrafée, déchirée, et vide », ne comportant que ces quelques mots : « trouvé après perte de la perte de tout d », que la narratrice entreprend son récit et s’« accroche à ce d qui défait ».
Et ce qui se défait, « là-bas, à Péricourt », c’est la figure du père, son corps, sa mémoire et sa dignité… devant ses cinq enfants, inquiets et désemparés.
Avec un humour caustique, l’auteure nous présente cette fratrie soudée, dans laquelle chacun/chacune joue un rôle différent : Primus, Triolette (la narratrice), Quartette, Quintette et Benjamin… et même Seconde, la première fille du vieil About, la chère disparue. À coup de « plannings colorés », tous se relaient auprès du père pour assurer les tours de garde et se débrouillent comme ils peuvent pour ne pas le haïr.
« Les réticences envers le vieil About — de la pitié à l’exaspération — sont variables selon l’histoire de chacun », mais tous ont du mal à assumer cette « lignée d’hommes depuis des siècles pris dans l’Histoire », « une vieille famille française, une dynastie de militaires et de diplomates », où « même les adultères ont un air légitime ».
Dans une alternance de passages narratifs et de dialogues par mails interposés, ce récit de filiation porte sur l’étrangeté des origines, la difficulté d’hériter et de se frayer un chemin de vérité avec toutes ces voix qui parlent autour et à l’intérieur de soi.
Notes de lecture
« C’est essentiellement par la voix de Triolette, l’enseignante, que Nathalie de Courson mène l’interaction des échanges entre frères et sœurs aguerris aux mails collectifs. Triolette, l’enfant du milieu, qui se déplace le plus souvent à Péricourt pour supporter le père déclinant et qui redoute la place qu’elle occupe : “J’y lis aussi la crainte d’écraser mes frères et sœurs – moi, simple Triolette – avec ma voix narrative prédominante. Peur – ou désir – d’imposer ma parole et de garder le volant, quitte à tout avilir, à sentir mauvais, et, comme le vieil About, à ne pas être en état de conduire, de me conduire, de conduire mon récit.” Avec agilité elle y parvient faisant résonner celle des quatre autres, tour à tour exprimée ou ressentie. “Chacun de nous a sa maison et son visage à soi, son moi individuel à côté du moi tribal. Nous nous montrons compacts et vigoureux aux yeux des quatre autres, accentuant chacun ce qui nous est particulier.” […]
Un récit audacieux cousu entre les passages narratifs et les échanges par messages interposés, dans lequel la filiation devient un personnage à part entière, sans cesse à rebattre les cartes entre la pitié et l’exaspération lorsque “Certaines choses de toujours se sont transformées en choses d’aujourd’hui”. »
Benoit Colboc, « Tyrannie domestique », Lundioumardi, 26 novembre 2019« Nathalie de Courson publie un intéressant poème-récit aux éditions Isabelle Sauvage. Le thème : ce que vivent, ressentent, comprennent les différents membres d’une fratrie de cinq enfants devant la déchéance progressive de leur père, le vieil About, personnage haut en couleurs qui suscite chez ses enfants un mélange d’admiration, de haine et malgré tout d’amour. Le livre est très bien construit, enchaînant les points de vue des trois sœurs et des deux frères, soit en première personne, mais avec cependant une narratrice qui mène la danse, soit via des extraits de lettres qu’ils s’écrivent les uns aux autres. L’écriture de Nathalie de Courson se plie en souplesse à ces contraintes, reste très fluide et naturelle. On est emporté par ce livre qui suscite bien des échos avec des situations dont on peut avoir connaissance, directement ou indirectement. C’est ainsi que les scènes prises sur le vif dans la résidence de retraite sont presqu’hallucinantes de vérité et suscitent un vrai effroi de nature ontologique. C’est un premier livre de fiction de l’auteur qui a également publié un essai sur Nathalie Sarraute, ce qui est une sorte d’indice. On peut aussi penser ici à certains textes de Claire Dumay. »
Florence Trocmé, Poezibao, 16 décembre 2019« Nathalie de Courson nous propose un récit puissant, animé par les voix plurielles des “cinq enfants du vieil About”, Primus, Triolette, Quartette, Quintette et Benjamin, des lieux peuplés “de vieillards et de vieillardes”, leurs mémoires et leurs pressentiments…
Une lecture partielle et partiale qui n’escompte pas venir à bout des histoires de cette “fratrie” et des relations au père. Une lecture qui ne dira rien des plannings de tour de garde…
Péricourt, le vieil About, des échanges entre frères et sœurs, le temps d’avant l’ouragan, le temps où “même les adultères ont un air légitime”, le temps de petites impertinences simples… L’ouragan 68 et le temps des mises à la poubelle.
Une voix narrative prédominante, “Mais à vrai dire ce récit va descendre tout seul la pente épousant les cahots de la route du vieil About sans que j’ai le choix de bifurquer”. Les cahots sont nombreux, les bifurcations personnalisées, les sentiments se manifestent entre pitié et exacerbation. […]
Un voyage caustique au pays toujours en recomposition de la famille, des héritages, des ruptures et des continuités, “Les moments d’accalmie sont les plus inquiétants, centre vide et compact de l’ouragan”… »
Didier Epsztajn, « La mort réelle aurait pu se fondre dans les morts fictives », Entre les lignes entre les mots, 17 janvier 2020« Voici un roman qui tient beaucoup de la prose poétique avec du mordant, du répondant. Qui fait rire. Qui bouleverse.
Il résonne en nous comme un écho à deux facettes. Familier et lointain. Douloureux et salutaire. Qui passe, passe encore et repasse. Revient sans cesse.
Une histoire de famille.
Avec les souterrains qui vont avec. Les choses tues de longue date ou lâchées trop vivement ; les plaies vives qui en résultent. […]
L’auteur jongle, habile, et livre des pages grouillantes d’un récit des profondeurs. Pages imprégnées de délicatesse, de celle où suinte l’amour.
Avec la perte omniprésente. […]
Parfum d’enfance, souvenirs profondément enfouis, terres du passé labourées, travaillées, retournées sans cesse… »
Catherine Blanche, La Cause littéraire, 25 mai 2020« Dans À bout, de Courson scrute les pesanteurs de la filiation (cinq enfants autour d’un père qui se défait). »
JB Corteggiani, L’Obs, 9 septembre 2021