Claire errance

Auteure
Chloé Bressan
48 pages, 12 x 15 cm
Parution : juin 2015

Publié avec le soutien de la région Bretagne

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 10,00

UGS : 978-2-917751-54-1 Catégorie :

Description

Claire errance, ou le chemin que mène une femme vers la réali­sa­tion de soi. C’est le « chant de la femme d’argile » (titre de son précé­dent livre) que reprend Chloé Bres­san, et c’est dire cette recherche d’être plei­ne­ment femme, mais surtout d’être en accord profond avec soi-​même et de retrou­ver une inno­cence fonda­men­tale telle que pour­rait la repré­sen­ter l’enfance, cette « eau vive », non déna­tu­rée juste­ment. Glaise, limon.
Habi­tée d’une présence intense, la phrase est tout le long de Claire errance comme dila­tée, cousue d’images baroques voire surréa­listes qui font appel à des « êtres de feu » tels Soutine, Artaud ou Rilke, qui cherchent au fond d’un terreau ances­tral de récits cosmo­go­niques, et s’articulent notam­ment sur la pensée chinoise avec le « livre des muta­tions », le yi king, traité cano­nique de divination.
« Unie, elle veut être unie, mais elle ne sait pas dire vrai­ment à quoi. » Ce chemin est errance, fait de détours : il y a ce « tas effréné de gestes et de peurs », elle se défend « d’aller au hasard et seule dans le moiré [d’elle]-même ». Il est aussi désir de rencontre, écoute, envie d’un corps dési­rant, d’une danse amou­reuse. « Au bord de ton corps, le ciel se défait. Cruciale, j’admets ta venue, enrou­lée de vents forts et de copeaux de bois. » Mais n’a‑t-elle pas seule­ment rêvé ? Puisqu’« il est ques­tion de racines, non de baisers », si l’autre « détourne la tête pour regar­der dans une autre nuit », le « nous » ne peut que dispa­raître. « Je couds et recouds, le soir, le même laby­rinthe. Nos mains deviennent un projet irréaliste. »
Parce qu’elle s’est ouverte à « faire d’une rencontre une passe­relle pour dépas­ser », que lui n’a pas arpenté ce chemin d’errance, elle n’est plus « la parte­naire débu­tante » et l’autre est rede­venu Dédale. Elle, n’a eu de cesse de « faire et reprendre » (une longue liste d’injonctions entre­coupe le « récit », ponc­tuant un avant et un après, en une belle pause étran­ge­ment factuelle dans la poésie de Chloé Bres­san) : se reprendre soi-​même, ses désirs, retrou­ver sa « sauva­ge­rie », son être profond, « quand la lande et l’enfant se respirent en une seule nuance .

Notes de lecture

« Chant tour­noi de l’amoureuse cillée dessillée de ses contes dans sa claire errance. De l’amante quand sous sa robe les mots se téles­copent, francs de corail. Une funam­bule avance sur les brisées de sa phrase comme sur les brisants d’une frac­tale. En clef de si le conjec­tu­ral affir­ma­tif empha­tique tissu conjonc­tif de sa langue se remmaille. Bien­tôt “le bruit de tes bottes me semble une enfance blot­tie dans un parfum de talc”. Bien­tôt l’adresse à toi, à soi, déploie, déblaie son ambi­va­lence cardi­nale. En marte­lante lita­nie lié de ses ajours un récit profile son fili­grane, d’un récit se déposent quelques erra­tiques recru­des­cences, une cousette reprise son éluci­da­tion “jusqu’aux trot­toirs de l’âme”. Ellip­tique sinuante, de fonc­tion première, en anaphores à retours d’esprit de sel. Prête à rejoindre un homme qui ne parle­rait pas plus haut que le fond des choses, plus preste que prête, “esseu­lée d’un rêve trop grand pour cette sorte de pacte”. Cactée de l’espèce rare dont les piquants se nouent à nous dans l’on d’abysses. Télé­gra­phique de torsade Chloé Bres­san au dénoue­ment, de rupture annon­cée, nous écon­duit nous mène à l’encre sèche. Dans le fond de l’œil deux paral­lèles se séparent à l’infini. »
Chris­tophe Stolo­wi­cki, CCP, Cahier critique de poésie, #30 – 5, 25 septembre 2015

« Liant, entre les saisons : le temps. Celui qui creuse la face cachée du texte. Tout commence par un “[t]rajet inverse”. De laine, “le tricot drama­tique du prin­temps suivant”, on prend un peu d’hiver pour se souve­nir et gagner la saison contigüe, le prin­temps. Une voix, pas le chœur, amorce la scène 1 de l’acte suivant. Met en branle. Le spec­tacle : théâtre ou danse, ce sont les mouve­ments qui activent le corps (activent écrire), au pied de l’arbre – connais­sance ? Point. Ce sont des statues immo­biles qui s’animent et dans le texte les mots s’avancent. […]
La “femme d’argile” (est-​ce Lilith, première compagne d’Adam, faite de la même terre et donc son égale ? celle qui, pour les Sumé­riens, était une jeune fille vivant dans un arbre ?) pour­suit donc son chant commencé dans le précé­dent volume de Chloé Bres­san publié chez le même éditeur. Elle dit ses trans­for­ma­tions atten­dues, voulues ou redou­tées. La vie est là : l’homme et la femme, l’enfant, la poésie, le théâtre, la danse, la musique, la pein­ture de Soutine, la ville et ses trot­toirs durs, le ciel et la terre, l’ombre et la lumière, le créa­teur et le réceptif. »
Isabelle Lévesque, Poezi­bao, 27 novembre 2015

« Artaud, cité par l’auteur, aurait bien son mot à dire lui aussi au beau milieu de cette errance : “Le tout est […] dans le rassem­ble­ment de toute cette pier­re­rie mentale autour d’un point qui est juste­ment à trou­ver*.” Mais si tant est que la lumière soit dans le titre et que la volonté d’équilibre soit moteur de l’écriture, nous restons du début à la fin dans “l’étrange réalité”, occur­rence multiple, dans des “forêts magiques” desquelles on ne sort pas, pour finir par cet aveu : “Nous demeu­rons amou­reux d’avoir peur”. Parmi des sillons fragiles, des chemins de boue à éviter, nous pouvons passer sur le côté là où une partie de la route a eu le temps de sécher. Marchons là quelques instants et puis ce sera à nouveau une grande flaque : “le chant confondu d’un couloir, d’azur et de boue”. L’errance en prose de Chloé Bres­san alterne des propo­si­tions très courtes, types d’injonctions occultes : “Assez, fragile. Attendre que fleu­risse. Partir tôt, alors” et des décla­ra­tions d’amour : “Ce n’est que chan­delles et fentes, abysses dans tes reins proches, que chan­delles et musique l’étreinte d’où tu t’échappes”. Le chemin emprunté : de tout petits pas puis des sauts entre des rochers, surtout ne pas tomber. On partage avec l’auteur, dans sa complexité, l’interrogation quant au chemin d’écriture, un chemin de vie, à suivre. »
* Le Pèse-Nerfs.
Sacha Steu­rer, CCP – Cahier critique de poésie # 31 – 2, 2 décembre 2015