Description
« … cet auteur, aussi averti et subtil que Góngora ou Mallarmé – ou Erik Satie –, ne construit ses volières que pour y pratiquer par le fond, dans l’invisible, une ouverture par laquelle les mots s’échappent et, dans un jour par dessous le jour, volent librement, virevoltent avec toutes sortes de cris, quitte à revenir à la nuit dans leurs grandes phrases compactes », écrivait Yves Bonnefoy de Stéphane Crémer dans sa préface aux Compagnies publiées en 2003 et reprises ici, discrètement remaniées, dans Le banc. Il terminait par ces mots : « Il n’y a ni dedans ni dehors. N’existent, bel anneau de Möbius, que les mêmes ailes à battre de partout dans le lieu terrestre, qui est esprit. Voilà ce que Stéphane Crémer va enseigner de mieux en mieux ».
Après Compagnies donc, après les Prolégomènes à toute poésie, ce nouveau recueil, où Stéphane Crémer « laisse sa parole tout à fait libre de signifier ses désirs » (ibidem). Au sein d’échafaudages très maîtrisés (les « volières » de Compagnies), les mots sont ciselés, et chacun retient l’autre, chacun tient sa place, afin que le lecteur les reprenne « tel un refrain entre des couplets que j’ignore et dont je m’applique seulement, sur l’écorce et dans les nœuds de ce banc où je demeure, comme depuis son cœur, à noter l’air », comme il le souligne lui-même en exergue du recueil, et comme il y incite dans la dernière partie, « À hautes voix », où les titres des poèmes, « prélude », « marche », « fugue »… appellent à un chant du monde tel qu’il va – ou ne va pas : « ce qui se perd ainsi / du monde c’est le monde entier / l’écho / de sa si profonde rumeur » (« thrène »).
Notes de lecture
« Il semble bien qu’il y ait entre les oiseaux et les mots une analogie fondamentale, qui se révèle quand un poète laisse sa parole tout à fait libre de signifier ses désirs. Comme les oiseaux dans le ciel les vocables dans l’écriture ont des essors brusques, des piaillements, ils s’entrecroisent ; […] ce poète […] sait si bien que l’écriture c’est mille mouvements en flèches de toutes parts dans la lumière ou la brume… »
Yves Bonnefoy, préface à Compagnies, 2003