Couches

Auteure
Gladys Brégeon
Poésie
64 pages, 12 x 15 cm
Parution : novembre 2015

Publié avec le soutien de la région Bretagne

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 13,00

ISBN  978-2-917751-60-2 Catégorie 

Description

La couche est lieu, matière, couleur. Depuis le drap de coton blanc accueillant l’accouchée jusqu’à la page, ce sont nos vies qui se forment, se déforment, s’écrivent et se tissent dans cette matrice. De la vie à la mort, à la vie.
Gladys Brégeon revient sur la scène de l’agonie de la mère — « Elle est là // De toute son hori­zon­tale / Enve­lop­pée de ses impres­sions d’épiderme […] À la fin de sa phrase / Au bord d’elle-même » — et, dans le vertige de cette dispa­ri­tion, la mère, la mort, se tient en recou­rant à une autre couche, la page blanche, « Espace du recueille­ment / De l’empreinte » : « Le trait est venu péné­trer / Avec précau­tion et fulgu­rance / Cette tempête figée de silence ». Parce que cette « porte hori­zon­tale » est le « Champ des humeurs / Chucho­tées [qui] Certi­fie / Du sceau de la passion / Comme nous appar­te­nons à la vie // Comme nous appar­te­nons à une femme », mêlant les inti­mi­tés, mater­nelles et amou­reuses. Parlant d’un amour para­doxal sur lequel elle revient plus expres­sé­ment dans J’ai connu le corps de ma mère que nous publions parallèlement.
Pour ne pas se dissoudre elle-​même — « Quand la terre sienne / A retiré le brun de sa chaleur // Où vient le blanc du recom­men­ce­ment / Où vient // Ou part // // Où vais-​je » — elle répond, face à la couche mortuaire, par un autre « rectangle blanc » : « Je ne connais pas de lieu plus offert / Que celui de l’intimité d’une page blanche », qui devient « corps ouvert ». Aux mots, à la gravure : à la créa­tion, qui la porte.

Notes de lecture

« Conco­mi­tam­ment [à J’ai connu le corps de ma mère], les éditions isabelle sauvage publient un autre mince livre de Gladys Brégeon, Couches, où, mais ce n’est pas le résu­mer, “Depuis la merde comme le sang / Nous voici dans le berceau de nos semences d’humanités” ; où la poète revient sur la dispa­ri­tion de sa mère, et ce senti­ment de vide physique que génère le corps absenté défi­ni­ti­ve­ment. Quelles “couches” en soi sont bougées après cette dispa­ri­tion. La couche portée par la mère sera deve­nue au sens figuré la trace lais­sée sur le linge blanc, la trace d’écriture, et non sans humour, parce que la “page panse”, mais panse quoi, et comment. Ce livre conco­mi­tant revient sur la mort, plus médi­ta­tif et cru, peut-​être un peu plus rageur. Unis et croi­sés dans la méta­phore filée, le “linge testa­men­taire” et l’“intimité d’une page blanche”, du corps abstrait, absent, et du corps concret, présent, celui de la morte et celui de la vive. »
Jean-​Pascal Dubost, Poezi­bao, 22 février 2016

« Les deux livres ont la même origine : la mort de la mère. L’angle d’attaque est cepen­dant sensi­ble­ment diffé­rent : J’ai connu… reste dans le vécu immé­diat du deuil, dans ce qui “laisse sans voix”, tandis que Couches prend une allure plus médi­ta­tive et glisse de la mort à l’écriture. La violence de la sépa­ra­tion est saisie, mais sans pathé­tique, au point que la rela­tion à la mère appa­raît complexe, assez loin du cliché habi­tuel de l’amour filial. La rupture de la mort déso­riente certes mais elle tourne comme une page déjà froide de l’histoire person­nelle. De l’enfance revient, de l’originaire, mais tout autant de l’écart, de la distance prise : “Ce que je ne voulais pas être / Ceux que je ne voulais pas être”. L’écriture est lyrique (“je”, émotion…) mais sans l’ampleur du chant : le vers est très court et le blanc domine. Pour­tant, la méca­nique lyrique reste bien présente, notam­ment par tout un système de reprises, relances, répé­ti­tions : sur le plan sonore, tissage homo­pho­nique (“nous sommes (…) en somme (…) en sommeil (…) somme d’ans (…) au sommet” p. 8) ; sur le plan syntaxique, abon­dance de l’anaphore et de l’accumulation ; emploi de leit­mo­tive (dans Couches, deux poèmes sont répé­tés chacun trois fois) ; relance de poème à poème par reprise d’un segment (“je me souviens”, p. 20 à 23)… On pour­rait parler d’une sorte de lyrisme contra­rié qui fonc­tionne très bien dans J’ai connu… et un peu moins bien sans doute dans Couches où l’ellipse et le laco­nisme sont moins domi­nants. Les deux livres sont à lire pour décou­vrir une voix poétique singu­lière qui peut passer d’une page mini­male comme “Elle /// Est /// Là” (p. 11) à des séquences plus hermé­tiques comme “Délite par délit de vivre ou de dormir / Clive autop­sie / Lit de pierre” (p. 30). On peut préfé­rer une pente à l’autre, mais on reste frappé par la liberté d’allure et le souci constant des combi­nai­sons sonores. »
Antoine Emaz, CCP – Cahier critique de poésie, # 32 – 1, 20 mai 2016