Description
PQR est une suite de poèmes écrits quotidiennement, du lundi 8 octobre au samedi 30 novembre 2018, à l’occasion d’une résidence à la Maison de la Poésie de Rennes, en strophes « brétilliennes » (d’Ille-et-Vilaine), soit trois vers de dix mots, suivis d’un vers de cinq. Chaque poème comporte une allusion aux informations du jour que l’on imagine prélevées dans un quotidien régional, ou à la radio, mais également sur le fil d’actualité des réseaux sociaux. Chaque semaine, numérotée de 1 à 8, emprunte à huit sources bibliographiques sur la Bretagne. Enfin, à l’intérieur de chaque semaine — à l’exception de la semaine 4 et de la semaine 7 —, chaque poème débute de la même façon : « Contrairement à Rennes… », « Ici même… », « Tiens, là-bas… », « En regardant mes chaussures… », « Devant cette bouteille de chouchen… », « Enfin bref… ».
Mais les contraintes et la prouesse oulipiennes ne doivent pas faire oublier le propos qui, lui, est impliqué, politique, subversif. On y voit défiler les événements et les personnalités de la période, du plus anecdotique au plus terrible : la K‑Pop coréenne, les gilets jaunes, l’assassinat de Jamal Khashoggi à Istanbul, ou des individus fort peu recommandables comme Donald Trump, Robert Faurisson ou Tariq Ramadan… Avec un humour féroce, l’auteur se joue également des clichés liés à la Bretagne — tout y passe : le menhir, le chouchen… (« un peu trop enchouchenné, on peut prendre / la prose pour la poésie ») et même la galette-saucisse ! Le tout dans une musicalité particulière, à la fois élégante, crue et drolatique, qui fait entendre la langue anglaise (sa langue natale) dans la langue française, sa langue d’adoption poétique.
Notes de lecture
« L’oulipien [que Ian Monk] est use de ses outils à la manière des écoliers hérités de Queneau, emprunts à diverses œuvres, savamment triturés, ou encore à un site web. Une source par semaine s’ajoute à l’écoute ou la lecture des informations, voilà de quoi faire son beurre. Sans compter un art de la juxtaposition déroutante qui met du sel dans la préparation. Les notes quotidiennes de Ian Monk sont savoureuses sans être sucrées, elles accrochent toujours quelque part, traduisant une désinvolture provocatrice, un pragmatisme de vieux sage passablement nihiliste. Un mélange de conformisme de la pensée, finalement, et de grincement de dents qui énerve. C’est tout un art de piéger ainsi son lecteur, qui ne demande qu’à être stimulé, l’art de celui qui déraille pour mieux progresser vers on ne sait quoi. […]
On retrouve dans ces lignes des personnages rendus familiers par la médiatisation, donc quasiment irréels, les Tarik Ramadan, Donald Trump, Robert Faurisson (du beau linge, en effet !!), ou encore des clichés renforcés à l’envi, jusqu’à en rire. Ainsi le chouchen est décliné d’un bout à l’autre du livre, et la bombarde pas oubliée.
Si la poésie est faite pour oser précipiter les images-idées autant que les situations, mettre en boite avec surprise, ne rien rendre dans l’état où on l’a trouvé, alors Ian Monk en est assurément un maître. Et il faut le découvrir pour mieux le lire. Et lire encore, et tout voir ensuite différemment. »
Jean-Claude Leroy, « Le poète oulipien Ian Monk nous piège dans son dérailleur », Mediapart, 12 janvier 2022, et Sitaudis, 23 mars 2022