Description
Violaine Guillerm est musicienne, et c’est en musicienne qu’elle compose sa poésie. Note étrangère est bien une fugue, une écriture contrapuntique construite mot contre mot – note contre note, organisant une superposition de lignes mélodiques distinctes.
Et il y a bien de multiples références à un vocabulaire musical, comme le titre, en premier lieu, la strette, le retard, l’échappée, l’offrande musicale (Bach)… Mais il n’est pas besoin d’être savant en ce domaine pour entendre, goûter la musicalité de sa langue : « cela s’entend ». Par assonances et allitérations, très nombreuses, répétitions, introduites ou non par et (« et te blessent, et me blessent », « cueille, recueille », « un regard, et un regard »…), le poème offre deux voix qui se côtoient, s’emmêlent, s’écartent, « un nous mosaïque, mouvant, clignotant » : une rencontre, un « rendez-vous, le corps, un lieu poreux, scintillant », le lieu de tous ses possibles – et impossibles aussi bien.
En musique, une note étrangère ne fait pas partie de l’accord premier mais lui est reliée en modifiant sa couleur, en amenant une tension (une dissonance le plus souvent). Et la note est étrangère, c’est « le tôt du poème », l’étrangeté préside dans l’accord.
Peut-être faut-il rappeler, aussi, que la fugue vient de fugere, « fuir » en latin – parce que l’auditeur a l’impression que le thème de la fugue fuit d’une voix à l’autre. N’est-ce pas de même en amour ? On peut penser à Rodin et à son Fugit Amor, ces deux corps en tension, assemblés avec une parfaite fluidité.