Description
Comme le dit Stéphane Korvin, Percolamour est « la chronique d’un goutte-à-goutte amoureux : aller, retour et retour ». Une rencontre, un possible : la découverte de la peau, un parcours doux, lent vers la compréhension intuitive des corps. Le sien, celui de l’autre. Malgré cet accès immédiat au corps – comme un choc initial –, une fois cet instant rompu, il ne reste plus qu’à cheminer en proximité (« Nous promenons nos poids de terre, nos poids quiets nos / dialogues […] le temps de prononcer les nœuds qui nous séparent »). Comme si l’accès à l’autre devenait impossible, comme si l’autre n’existait plus ou n’avait jamais existé (« Je ne t’ai jamais connue »).
Reste alors le discours amoureux, vécu ici comme un paysage qui devient souvent voyage : la phrase est traitée comme instantané photographique : le visage en mouvement est flou, quelques couleurs sont arrêtées, presque figées, une lumière projette son spectre contre des murs qui enferment lorsqu’une voix de femme dit : « je ne suis pas là, ne te retourne pas ».
Ces mots d’amour laissent entendre une expérience effarée de l’autre, dans ces séries incessantes de va-et-vient, ces décalages dans l’espace et le temps, jusqu’à l’épuisement de tout langage, de tout récit.
Stéphane Korvin se concentre sur les corps, les souffles, sur les peaux, les caresses, les déplacements… et les donne dans le bégaiement ce qui est déjà perdu, sauf à se convaincre qu’il faut « se croire sur parole » : glose amoureuse performative sans issue, lorsque l’énonciation de celle-ci remplace à jamais l’amour : « sans énoncer, serait presque aimer je pressens ». Décidément les contes ne sont plus : « quelle vieille / chronique, citrouille / crois-tu encore tenir là ? »
Notes de lecture
« Percolamour mesure la pression du désir. Faut-il mêler la parole à cela ? Se prendre au jeu (léger) des mots ? Oui, répond Stéphane Korvin, même si la jouissance de la lettre peut aussi bien masquer la division des êtres. »
Didier Cahen, Le Monde des livres, 22 mars 2013